Sodalitium n° 74

Le dernier numéro de Sodalitium est paru en avril 2024. Vous pouvez le trouver dans nos chapelles, nous le commander ou le télécharger en PDF.

Au sommaire :

  • Éditorial – p. 2
  • L’apôtre saint Paul est-il l’inventeur du christianisme ? – p. 6
  • Le “Sodalitium”… theatinum ! – p. 32
  • L’Osservatore Romano – p. 46
  • RECENSIONS
    • Cristina Campo : quelques clarifications pour le centenaire de sa naissance – p. 68
    • Radio Spada et la Fraternité ne sont pas ‘tranquilles’ – p. 73
    • Encore sur l’histoire du “Traditionalisme” : Louis Salleron et Jean Madiran – p. 75
    • “Très bon auteur, très mauvais éditeur”… – p. 76
  • Vie de l’Institut – p. 78

Rappel : Les numéros de notre revue Sodalitium sont disponibles sur notre site, depuis le numéro 38.

Éditorial

C’était à l’occasion de Noël 1983 que parut le premier numéro de Sodalitium, alors simple bulletin d’un prieuré de la Fraternité Saint-Pie X : nous avons donc passé les quarante ans de publication, ce qui représente toujours un cap qui ne laisse pas indifférent. Au cours de toutes ces années, notre revue a cherché de contribuer à réaliser un des objectifs de notre Institut : “représenter pour les fidèles qui le désirent – c’est ce que disent les Statuts – et en particulier pour ses propres membres, dans ce temps de désorientation, un instrument pour persévérer dans la fidélité absolue au dépôt de la Foi révélée par Dieu et proposée par le Magistère infaillible de l’Église”. Et aussi, pour qui ne se reconnaît pas dans nos positions et n’accorde pas sa confiance à notre Institut, Sodalitium a tout de même été un point de référence intellectuelle important et sérieux en ces décennies durant lesquelles la tempête qui s’est déchaînée dans l’Église et contre l’Église à partir de Vatican II n’a fait que grossir, devenant désormais terrible et perceptible par tous ceux qui conservent une once de Foi. Aujourd’hui, on préfère – il est vrai – les informations mises à jour en continu, les innovations constantes, la communication audiovisuelle, alors qu’une revue comme la nôtre, de surcroît à la périodicité très irrégulière, peut paraître marginale dans le panorama du “traditionalisme”, lequel, d’abord sur la vague des encouragements ratzingériens (faisant partie d’une stratégie clairement décrite à Messori par celui qui était alors le ‘cardinal’ Ratzinger dans le livre-interview Entretien sur la Foi, consistant à favoriser une interprétation modérée du Concile dans le but de supprimer la réaction de ses opposants) et ensuite sur la vague de la réaction aux scandales toujours plus évidents de J. M. Bergoglio ainsi qu’ à sa stratégie de ‘répression’ du “traditionalisme” (exception faite pour la Fraternité Saint-Pie X), a créé ce que nous pourrions appeler une sorte de “néo-traditionalisme” qui a fait quasi oublier les premiers opposants au modernisme conciliaire. Aujourd’hui, les chefs de file ‘médiatiques’ de nombreux “traditionalistes” et de tant d’opposants à l’actuel occupant du Siège Apostolique sont des personnages qui parfois ne connaissent rien des combats des années 60, 70 ou 80 (peut-être étaient-ils de l’autre côté), ou qui s’opposent aux hérésies de Bergoglio au nom de ‘saint’ Paul VI, de ‘saint’ Jean-Paul II, ou du futur ‘saint’ Benoît XVI, hissant éventuellement l’étendard de la collégialité conciliaire contre le gouvernement centralisateur de l’actuel occupant du Siège. À ces bruyants et très actifs laïcs et prêtres (souvent ordonnés avec le nouveau rite) toujours présents sur le web ne font pas obstacle une Fraternité à profil bas (engagée à fond dans la défense de la légitimité de son bienfaiteur de Sainte-Marthe) ou les congrégations “ex-Ecclesia Dei” “ex-Summorum Pontificum” obligées au silence, quand elles ne font pas l’objet de commissions et ne sont pas dissoutes pour des motifs peu clairs.

Les réflexions faites jusqu’ici ne rejettent nullement l’apport efficace de nouvelles recrues, et même un retour sur eux-mêmes de ceux qui occupent de fait, dans l’Église, des postes de responsabilité, au contraire ! À condition toutefois qu’il s’agisse d’un véritable et intégral revirement, et qu’il ne s’agisse pas, par contre, d’une habile manière de “maîtriser l’opposition” (en bonne ou mauvaise foi, peu importe).

La récente intervention de Mgr Viganò sur le “vice de consentement”, faisant que l’élu du conclave n’aurait pas réellement accepté l’élection au Souverain Pontificat eu égard à son intention (objective et habituelle – aurait précisé le père Guérard des Lauriers o.p.) de ne pas procurer le bien et la fin de l’Église serait finalement un pas en avant vers la vérité et par conséquent vers la solution de la crise : je l’ai précisé dans ma brève contribution publiée par Duc in altum. “Serait”… mais l’est-il ? Il y a trop de choses encore peu claires qui nous empêchent de soutenir – dans ces conditions – l’action de l’évêque italien. J’en dresse une courte liste : peu de temps avant son intervention, Mgr Viganò avait chaleureusement approuvé le volume de don Di Sorco (Fraternité-Radio Spada) visant à démontrer (sic) que Bergoglio est de manière indiscutable le Pape légitime : à quel Mgr Viganò faut-il croire ? En second lieu, la rumeur dit – et l’évêque n’a ni démenti ni confirmé – que Mgr Viganò aurait été consacré sous condition par Mgr Williamson ; si d’un côté, la chose rassure du point de vue des ordinations qu’il pourrait faire – ou qu’il a déjà faites – de l’autre, Mgr Viganò jette une confusion supplémentaire : Mgr Williamson est notoirement “una cum”, c’est-à-dire convaincu de la légitimité de ‘François’. Tout comme sont notoirement en communion avec Bergoglio, et ordonnés avec le nouveau rite, les prêtres de la désormais dissoute Familia Christi (qui comme Pietro Siffi gravitaient aux alentours de Ferrare, avant de s’installer près de Viterbe) qui – on l’a appris récemment – collaborent et vivent avec Mgr Viganò qui, enfin, doit une part de sa notoriété au mélange des thématiques religieuses à des thématiques politiques que nous considérons inopportun (pour cela également, comme pour les ordinations ‘secrètes’, Mgr Viganò paraît en accord avec Mgr Williamson). Si ensuite nous devons parler de Mgr Williamson, la confusion augmente : pour lui, les nouveaux rites du sacrement de l’Ordre sont pratiquement certainement valides, et pourtant il y a des doutes, mais Dieu opère des miracles au cours de la nouvelle messe qui est donc valide, et on peut y assister, alors qu’auparavant il le niait… Comprenne qui pourra. La seule chose certaine est que l’évêque anglais (qui prétend appartenir encore à la Fraternité dont il a été expulsé) ordonne prêtre ou consacre évêque plus ou moins secrètement quiconque s’adresse à lui, qu’il soit “una cum” ou non. Encore une fois, comprenne qui pourra.

Pour revenir à Mgr Viganò et aux prêtres qui sont ses collaborateurs : célèbrent-ils la Sainte Messe en communion avec ‘François’ ou non ? On ne sait pas. Mais ce qui paraît certain est que néanmoins (autre motif de désaccord de notre part), il reconnaît la pleine légitimité – bien qu’en ne lésinant pas sur les critiques – des ‘Pontifes’ qui se sont succédé sur le trône de Pierre, de Paul VI à Benoît XVI. Mais alors les textes de Vatican II, bien que critiqués, appartiennent-ils au magistère de l’Église ? Un magistère (horrible d’y penser !) faux et trompeur ? La plaie du lefebvrisme (avec son dogme, pardonnez la plaisanterie, de la “faillibilité du pape”) fait des dégâts encore aujourd’hui.

Nous avons parlé (et critiqué) Mgr Viganò, à qui nous demandons cependant de croire à notre respect. Parmi les nouveaux opposants de ‘François’ il nous semble, de fait, le plus proche de la vérité. Les journaux étiquettent en effet, parfois, comme “traditionalistes” des membres de la hiérarchie ‘materialiter’ comme Müller, Sarah, Burke, ou l’évêque Schneider, qui non seulement reconnaissent en Bergoglio le Vicaire du Christ et dans Vatican II le magistère de l’Église, mais qui célèbrent habituellement ou malgré tout également avec le nouveau rite montinien. Les concernant, on ne peut qu’espérer une évolution radicale de leur critique aux erreurs qui minent l’Église de l’intérieur, sans quoi leur unique rôle serait (et est) celui d’augmenter la confusion.

Confusion, et faux argument, qui est celui de l’illégitimité de Bergoglio (ce dernier désormais toujours moins défendable) non pour cause de vice de consentement (position correcte) ou d’hérésie (position des ‘sédévacantistes’) mais pour cause de l’invalidité de la démission de Benoît XVI, qui aurait donc été, jusqu’à sa mort, le Pape légitime. Il est inutile d’entrer dans les polémiques sur munus et officium ou sur les constitutions apostoliques de Jean-Paul II, si nous pensons au fait que l’un et l’autre (Wojtyla et Ratzinger) ont été de convaincus partisans des erreurs de Vatican II incompatibles avec le Magistère de l’Église : œcuménisme, dialogue interreligieux, liberté religieuse, collégialité, réforme liturgique et ainsi de suite, c’est pourquoi ils ne pouvaient se démettre que de l’aspect matériel (l’élection) de la Papauté, mais certainement pas de l’aspect formel qu’ils ne possédaient pas pour les motifs précités. La si décriée pachamama de Bergoglio n’est pas le pire des rites vaudous loués par Wojtyla, qui, avec Ratzinger, n’a jamais hésité à prier dans des temples païens, dans les synagogues ou dans les mosquées. Enfin, dans une telle confusion des idées quelqu’un qui, comme le professeur Viglione, écrit de savants livres pour expliquer que même lui ne sait si Bergoglio est ou non le Vicaire du Christ, mais qui n’assiste tout de même qu’exclusivement aux messes en communion avec lui (nous n’en doutions pas), n’aide certainement pas à savoir que faire. Il est vrai que savoir de ne pas savoir est le commencement de la sagesse, mais dans ce cas le silence serait peut-être plus opportun.

Dans une telle confusion des idées – c’est justement le cas de le dire – les pauvres fidèles s’orientent difficilement. Nous les confions à Notre-Dame du Bon Conseil. Notre revue, qui se renouvelle également dans ses collaborateurs et qui ne court pas derrière les dernières nouvelles (j’ai voulu le faire uniquement de manière sommaire et un peu superficielle – je l’admets – dans ces lignes) s’efforce de donner aux lecteurs des pistes de réflexion éclairée, aux côtés d’autres initiatives, comme les congrès que nous organisons. Après le numéro spécial sur Mgr Benigni (et l’histoire de l’Église dans la première moitié du XXe siècle, qui a préparé notre époque) nous revenons à un format classique ; un nouveau jeune collaborateur reprend l’ancienne rubrique L’Osservatore Romano tandis que d’autres articles, indépendants de l’actualité et de la polémique, se veulent être seulement de formation comme ceux sur l’apôtre saint Paul et sur les Théatins. Enfin, la classique rubrique Vie de l’Institut, qui ne se trouvait pas dans le dernier numéro, sera particulièrement dense : c’est peut-être celle qui est lue en premier et qui l’est le plus. Quant à nous de la vieille garde, nous sommes près du cursum consummavi et nous devons regarder davantage à la Vie qui vient qu’aux vicissitudes de cette terre : que tous ceux qui nous ont précédés nous rappellent l’Éternité qui nous attend ; que le Seigneur nous accorde la persévérance et une sainte mort dans la grâce de Dieu.

abbé Francesco Ricossa