L’Ave Maria par saint Thomas d’Aquin (V)

Explication de la salutation de sainte Élisabeth

Le fruit de vos entrailles est béni

18. – Le pécheur cherche parfois dans quelque chose ou quelqu’un ce qu’il ne peut obtenir, mais que le juste, lui, obtient. La richesse du pécheur est gardée pour le juste, disent les Proverbes (13, 22). Ainsi Eve rechercha un fruit, sans trouver en lui la satisfaction de ses désirs.

La Bienheureuse Vierge, au contraire, trouva dans son fruit tout ce qu’Eve désira.

19. – Eve, en effet, désira dans son fruit trois choses.

Elle désira y trouver d’abord sa déification et celle d’Adam, promise mensongèrement par le diable. Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal, lui dit ce menteur (Gen., 3, 5). Le diable mentit, parce qu’il est menteur et père du mensonge (cf. Jn., 8, 44). Et par la manducation du fruit, Eve, loin de devenir semblable à Dieu, lui devint dissemblable. Par son péché, en effet, elle s’éloigna de Dieu, son Sauveur, et c’est pourquoi elle fut expulsée du paradis.

La Vierge bienheureuse, au contraire, trouva sa déification dans le fruit de ses entrailles. Par le Christ, en effet, nous nous unissons à Dieu et lui devenons semblables. Lorsque Dieu se manifestera, dit saint Jean (1 Jn., 3, 2), nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est.

20. – Eve, en second lieu, désira trouver dans son fruit la joie de la délectation, car, dit la Genèse (3, 6), ce fruit était bon à manger. Mais elle ne l’y trouva pas ; dès qu’elle l’eut mangé en effet, elle prit conscience de sa nudité et la douleur entra dans sa vie.

Dans le fruit de la Vierge, au contraire, nous trouvons la suavité et le salut. Celui qui mange ma chair, dit en effet le Seigneur (Jn 6, 5), possède la vie éternelle.

21. – En troisième lieu, enfin, le fruit d’Eve était séduisant à voir (Gen., 3, 6).

Mais combien plus beau est le fruit de la Vierge, sur lequel les Anges désirent plonger leur regard (cf. 1 Pier., 1, 12). C’est le plus beau des fils des hommes, dit le Psalmiste (Ps. 44, 3), parce qu’il est, déclare saint Paul (Heb., 1, 3), la splendeur de la gloire de son Père.

Eve ne put donc trouver dans son fruit ce qu’aucun pécheur ne trouvera dans ses péchés.

Aussi tout ce que nous pouvons désirer, recherchons-le dans le fruit de la Vierge.

22. – Ce fruit de la Vierge Marie est béni de Dieu. Dieu, en effet, l’a tellement rempli de grâce, que sa venue à nous rend déjà honneur à Dieu. Béni soit Dieu et le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, déclare saint Paul (Eph., 1, 3), dans le Christ, il nous a bénis de toutes les bénédictions spirituelles.

Ce fruit de la Vierge est béni des Anges. L’Apocalypse (7, 11-12) nous montre, en effet, les Anges, tombant la face contre terre et adorant le Christ, par ces chants : La louange, la gloire, la sagesse, l’action de grâces, l’honneur, la puissance et la force soient à notre Dieu dans les éternités d’éternités. Amen.

Le fruit de Marie est aussi béni des hommes ; car, dit l’Apôtre, toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père. (Cf. Phil., 2, 11).

Et le Psalmiste lui-même (Ps. 117, 26) le salue en ces termes : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.

Ainsi donc la Vierge est bénie, mais son fruit l’est encore bien davantage.