Bruno Saglio, des Éditions Saint-Remi, a répondu sur sa revue (La Voix des Francs Catholiques, N° 73, juillet 2024) à ma recension intitulée Bon auteur, très mauvais éditeur, publiée sur Sodalitium n° 75 (n° 74 dans l’édition française), où le bon auteur était le père Jeoffroid, et le très mauvais éditeur, précisément, Bruno Saglio. Je comprends que le terme un peu fort de “très mauvais éditeur” puisse avoir heurté le responsable des Éditions Saint-Remi, auquel cas je l’assure de ma compréhension. La rapide intervention de l’abbé Grossin, désormais Rolland, venu immédiatement à son secours, tout content de mettre en garde – pour la énième fois – contre “l’abbé Ricossa”, pourra le consoler : Grossin-Saglio, même école (celle de LHR), même mentalité, “même combat”. Il ne s’agit pas en effet d’une diatribe entre personnes (de ce point de vue, je n’ai rien contre B. Saglio, que je considère un bon chrétien) mais d’une question – au minimum – sinon de doctrine, certainement de mentalité. Ce qui n’est pas sans portée dans la formation de nos lecteurs.
Une victime ? Je ne crois pas…
LVDF se plaint d’avoir subi une “attaque violente”, et ajoute : “Nous n’aurions pas été étonné d’une telle accusation de la part d’ennemis déclarés de l’Église, mais non, il faut que de telles accusations viennent d’un prêtre sensé défendre la foi” (“sensé défendre la foi” : chers éditeurs : on écrit “censé” et non “sensé” ; l’erreur est reprise à la p. 4, c’est pourquoi il ne semble pas que ce soit une inadvertance). L’abbé Ricossa devrait défendre la foi, mais ne sera-t-il pas, au contraire, un “ennemi de l’Église” bien que non déclaré, mais caché ? C’est ce que LHR (Louis-Hubert Remy), l’abbé Grossin, B. Saglio, “F. Causas”, “H. Barbier”, etc. soutiennent publiquement depuis des années, c’est pourquoi je suis surpris de leur étonnement si quelqu’un, après tant de bastonnades, ose objecter quelque chose. Mais pour LVDF, il ne s’agit pas de légitime défense, puisque par principe l’article de Sodalitium est “dénigrant” “rempli de faux jugements téméraires”, tandis qu’attaquer les Éditions Saint-Remi veut dire, ipso facto, attaquer ni plus ni moins que “le bien commun” (et non seulement le bien de l’éditeur en question).
Petit espace publicitaire
Avant d’entrer in media res, l’éditeur (pp. 3-5) vante sa maison d’édition, la qualité de ses livres, les auteurs publiés, etc. Je trouve normal qu’un commerçant fasse de la publicité de ses articles, c’est pourquoi, pour éviter tout malentendu, je peux préciser que les Éditions Saint-Remi sont exceptionnelles, inégalées, du point de vue matériel (reliures, etc.) et, comme je l’ai déjà écrit, elles publient (aussi) de très bons auteurs. Parlons d’autre chose ! Et avant tout, parlons de l’édition de l’écrit du père Jeoffroid contre le scoutisme.
Mes deux critiques de l’édition de l’écrit du père Jeoffroid contre le mouvement scout
Je rappelle donc mes deux critiques de l’édition du texte inédit du père Jeoffroid (édition en soi digne d’éloges). La première : mettre cette édition sous l’égide de la Fraternité Saint-Pie X et de Mgr Lefebvre. La seconde : mettre en relief des acteurs secondaires de l’opposition au mouvement scout, et en particulier dans l’affaire du mémoire du père Jeoffroid, et cacher pour ainsi dire complètement le rôle de Mgr Benigni, qui fut le maître et l’ami du père Jeoffroid, en collaborant activement à la diffusion du texte en question.
Un (très bon) livre contre le scoutisme sous l’égide de Mgr Lefebvre

Le livre en question
Je l’ai déjà écrit et je le répète : le dossier que le père Jeoffroid écrivit contre le mouvement scout, y compris sa version “catholique” du père Sevin, est excellent. Le rendre public et accessible encore aujourd’hui est donc digne de louanges, et notre revue n’a pas manqué d’en recommander la lecture. La critique de Sodalitium ne concerne donc pas le texte du père Jeoffroid, qui démontre les liens étroits entre le mouvement scout et la théosophie, mais l’édition de ce texte (de la part des rédacteurs et de l’éditeur) qui place l’œuvre du père Jeoffroid contre le scoutisme sous l’égide de Mgr Lefebvre qui fut toujours en faveur du scoutisme. Le lecteur est ainsi trompé, et la vérité piétinée. De plus, de la part d’un éditeur qui se dit “sédévacantiste” et qui critique violemment la “thèse de Cassiciacum” parce que pas suffisamment “sédévacantiste”, faire l’éloge publiquement de Mgr Lefebvre – qui expulsa de la Fraternité tous ceux qui n’étaient pas en communion avec Paul VI et Jean-Paul II, qu’ils fussent “sédévacantistes” ou “Cassiciacum” – est une tromperie pour les lecteurs et une injure à la vérité. Il s’agit en tout cas d’une tendance qui se manifeste souvent chez de nombreux soi-disant “sédévacantistes” qui accusent Mgr Guérard des Lauriers, mais qui ont un culte jamais démenti, et vraiment révélateur, pour Mgr Lefebvre.
Encore sur Mgr Lefebvre : La Voix des Francs en faveur des consécrations una cum
Si le N° 73 de La Voix des Francs attaque le soussigné, le N° 74 soutient ouvertement les sacres épiscopaux en communion avec Jean-Paul II, opérés par Mgr Lefebvre, et espère, en même temps, de nouveaux sacres épiscopaux au sein de la Fraternité, et par conséquent en communion (à l’époque) avec Bergoglio. En commentant la mort de Mgr Tissier de Mallerais, l’éditorial de Bruno Saglio, en effet, manifeste la “vive inquiétude” du même (c’est-à-dire de Saglio) : il ne reste plus que deux évêques au sein de la Fraternité ! Et alors, direz-vous, quid ad nos ? Mais Saglio s’inquiète pour les séminaristes de la Fraternité : que deviendront-ils ? “Prions pour que la FSSPX ouvre enfin les yeux…” et reconnaisse la vacance du Siège, direz-vous ? Mais non ! “…qu’elle ouvre enfin les yeux sur l’urgentissime nécessité de la transmission valide des sacrements, en procédant à de nouveaux sacres solennels comme son fondateur l’avait voulu (…) Que la FSSPX suive l’exemple de Mgr Lefebvre qui avait eu le courage avec Mgr de Castro Mayer il y a 36 ans de sacrer 4 évêques sans mandat apostolique”. En vérité, dans cette cérémonie sacrilège, fut lu un grotesque “mandat apostolique” reçu soi-disant de l’Église, et non du Pape qui était cependant reconnu solennellement comme tel. Or, B. Saglio voudrait que se répète le forfait pour donner au monde d’autres évêques una cum, alors que nous avons des évêques non una cum, et que nous en avons même trop. À lire La Voix des Francs, cependant, il semblerait que ces évêques n’existent pas, et que la validité des sacrements dépende uniquement de la Fraternité Saint-Pie X, qui a un si grand respect de ladite validité qu’elle fait célébrer et confesser des prêtres “ordonnés” avec le nouveau rite ou fait administrer les confirmations de manière invalide par de simples prêtres de la Fraternité. (Nous nous demandons alors comment des prêtres ordonnés par des évêques non una cum peuvent entretenir de bons rapports avec qui a une aussi mesquine considération desdits évêques). Mais La Voix des Francs me reprochera l’ingratitude envers Mgr Lefebvre et la Fraternité : “Faut-il rappeler à M. l’abbé Ricossa qu’il a été formé au séminaire d’Écône et ordonné par Mgr Lefebvre (d’ailleurs au cours d’une cérémonie una cum…), et que par conséquent sans Mgr Lefebvre il n’aurait pas été prêtre et son institut l’IMBC n’aurait pas existé ?”. Mais peut-être faut-il rappeler aux Éditions Saint-Remi que l’abbé Ricossa et ses confrères ont publié une “Amende honorable publique” pour avoir répandu les erreurs de la Fraternité Saint-Pie X, et que je répète aussi cette amende honorable pour avoir reçu une ordination una cum, quand j’aurais très bien pu recevoir le sacerdoce des mains de Mgr Guérard des Lauriers. Mais B. Saglio ne se souvient de cet évêque que pour le dénigrer, alors que quand il écrit sur Mgr Lefebvre il semble “perdre la raison” (pour reprendre l’accusation que lui-même m’adresse), au point de publier un livre de l’abbé Lafitte (“un des prêtres formés par Monseigneur Lefebvre”, écrit le catalogue ESR, bien que l’éditeur n’ignore pas qu’il serait mieux de se taire que de parler) intitulé “L’esprit de Mgr Lefebvre”. Sans haine, animosité ou rancœur, et sans nier les nombreuses qualités de Mgr Lefebvre, personne ne peut nier que, si la Fraternité Saint-Pie X reconnaît et impose de reconnaître la validité du N.O.M. et la légitimité de Paul VI et ses successeurs, cela est dû au choix que Mgr Lefebvre accomplit en 1979.
Il n’est donc pas vrai que Mgr Lefebvre – à propos de la légitimité de Paul VI et de ses successeurs “n’a pas voulu résoudre la question” (p. 8 : “il n’a pas voulu trancher”). Malgré les fréquentes variations de la pensée de Mgr Lefebvre, les faits parlent d’eux-mêmes : en 1979, Mgr Lefebvre a “tranché” avec sa “Position de la Fraternité sur la Messe et le Pape” et dès 1982 il a en conséquence obligé tous les ordinands à signer le fameux serment dans lequel on reconnaissait la légitimité de Jean-Paul II. Point. Quant au scoutisme, Saglio objecte que les Papes aussi l’ont approuvé (pp. 9-10). Certes. Et de fait, nous ne contestons pas à Mgr Lefebvre d’avoir lui aussi approuvé les mouvements scouts, y compris Riaumont – mais nous contestons à l’édition du livre du père Jeoffroid d’“enrôler” Mgr Lefebvre dans une condamnation du mouvement scout qu’il n’exprima pas (au contraire). Son soutien aussi (aussi) au système des patronages ne signifie pas qu’il avait compris ou dénoncé les origines maçonniques et théosophiques du scoutisme. “L’abbé Ricossa ne peut supporter que Mgr Lefebvre soit donné en exemple” (p. 10), écrit Saglio. Cela dépend en quoi il est donné en exemple : comme exemple de condamnation du scoutisme, certainement pas. B. Saglio conclut : “il semble que toute référence favorable à Mgr Lefebvre fasse perdre la raison à M. l’abbé Ricossa” (p. 9) ; je pourrais dire au contraire que toute référence à Mgr Lefebvre met des peaux de saucisson devant les yeux de l’éditeur Saglio, comme, avant lui, de LHR et même – en remontant les branches – du notoirement médisant BOC (Bulletin de l’Occident Chrétien, dans lequel écrivaient sous pseudonyme Tailhades, Remy et Bonnet de Villers). Médisant erga omnes… sauf à l’égard de Mgr Lefebvre !

Les sacres épiscopaux de Mgr Lefebvre en 1988
Mgr Benigni dans l’ombre. Et nous ne comprenons pas encore pourquoi…
L’éditorial de LVDF ne nie pas, et même admet, que le rôle de Mgr Benigni dans l’affaire Jeoffroid a été par eux laissé dans l’ombre. La raison donnée est ridicule : “Louis-Michel Dufay n’a pas pris le temps, puisque M. Carichon l’avait fait, de montrer la place de Mgr Benigni dans cette affaire” (p. 6) (mais il a eu le temps de parler d’autres auteurs – certes de grand mérite – qui n’ont eu aucun rôle dans cette affaire). Nous n’avons presque pas parlé de Mgr Benigni ? “faute de place et de temps” (p. 7). Et en tout cas, l’abbé Ricossa dit des choses inexactes “à force de vouloir mettre Mgr Benigni partout à la première place” (p. 7). Voici : la gêne qui transparaît contre Mgr Benigni – bien plus que le manque de temps et de place – semble être le véritable motif de l’attitude des Éditions Saint-Remi envers sa personne. Et pourtant… le fait que le père Maignen, des Frères de Saint-Vincent, fût un dirigeant et un collaborateur du Sodalitium Pianum de Mgr Benigni et que le père Jeoffroid, de la même congrégation, ait été un des deux prêtres fidèles présents aux funérailles de Mgr Benigni (ce qui démontre une proximité et une intimité certainement pas accidentelles), ne dit rien à M. Saglio ?
Si, comme je crois, subsiste cette gêne envers la figure de Mgr Benigni, il reste à comprendre pourquoi, étant donné que, par exemple, les ESR publient de manière louable, plusieurs écrits de son étroit collaborateur que fut le père Maignen. Ignorance (au sens de non connaissance) ? Barrière linguistique ? Défiance envers un auteur qui avait un fort esprit critique et de profondes et sérieuses études académiques ? Toutes ces choses ensemble ? Si les ESR étaient sincères, elles pourraient résoudre facilement le petit mystère.
P.S.: j’avais terminé ce petit chapitre de mon article, quand je me suis aperçu du fait que non seulement les ESR ignorent Mgr Benigni mais, quasi certainement sans le savoir, en un certain sens, l’attaquent. Tandis que notre Centro Librario Sodalitium a publié (en italien) la Storia sociale della Chiesa de Mgr Benigni (et Radio Spada une histoire de l’Église traduite en italien à l’époque par le père Rosa s.j., ennemi mortel de Benigni), les Éditions Saint-Remi ont publié Histoire partiale, histoire vraie de Jean Guiraud (1866-1953), (2024, réédition de l’édition de 1911, 4 volumes, 100 €), alors enseignant à l’Université de Besançon, une histoire apologétique contre les manuels laïcistes de l’époque. Mais les ESR ignorent peut-être la violente polémique intervenue à propos du volume IV entre Guiraud, précisément, et I. de Récalde (c’est-à-dire l’abbé Paul Boulin, bras droit de Mgr Benigni en France et rédacteur à la R.I.S.S.) qui écrivit même tout un volume pour répondre aux accusations de Guiraud : Histoire Jésuite, Histoire vraie (si B. Saglio désire, je peux lui envoyer en PDF). De la part de prétendus experts de l’“école antilibérale”, on s’attendrait à une meilleure connaissance des faits.
Mes deux critiques en général aux Éditions Saint-Remi (et pas seulement)
Jusqu’à présent, je me suis limité à revenir sur ma critique à l’édition du très bon livre du père Jeoffroid, à cause 1) du soutien à la Fraternité Saint-Pie X et à Mgr Lefebvre, quand ils défendirent et défendent le scoutisme 2) sur la question de Mgr Benigni. Toutefois dans ma recension je mentionnais deux erreurs plus générales que je perçois dans la ligne éditoriale des ESR et plus généralement dans la soi-disant “école antilibérale” telle que conçue, à l’époque, par plusieurs personnes, mais particulièrement par Louis-Hubert Remy. La première erreur consiste à inclure, sans distinction, dans la dite “école antilibérale” (en bonne partie du XIXe siècle) des auteurs influencés par le “fidéisme traditionaliste” du XIXe siècle ; la seconde, dans la diffusion (aussi) d’auteurs peu sérieux, ce qui est dû d’une part à un préjugé contre les études “universitaires” (sans les distinctions qui s’imposent) et d’autre part par une forte tendance pseudo-surnaturaliste. Les deux erreurs proviennent probablement d’une même racine.
Le fidéisme “traditionaliste”
Dans l’éditorial du N° 73 de La Voix des Francs contre Sodalitium, Bruno Saglio écrit : “M. l’abbé Ricossa ne cite pas d’auteurs de notre catalogue qui seraient mauvais, mais prétend que nous publions des ‘auteurs fiables et d’autres contaminés, par exemple, par le traditionalisme fidéiste du XIXe siècle”. B. Saglio nous demande quels sont ces auteurs, après avoir énuméré pour sa défense une longue liste des “meilleurs auteurs” en circulation (pp. 4-5). Il ne s’aperçoit pas non plus que dans cette liste il a, précisément, inclus certains de ces auteurs qui, bien que méritants à de nombreux points de vue et excusables à tant d’autres, sont justement parmi ceux qui ont subi l’influence de ce courant de pensée. Parmi certains de ceux cités, nous avons déjà parlé sur les pages de Sodalitium, de Donoso Cortés (Sodalitium n° 50 [éd. fr.] et n° 51 [éd. ital.]) ou de Mgr Fèvre, en parlant duquel l’abbé Pinaud fait l’éloge de Bonnetty (Sodalitium n° 69-70, p. 29). Un autre maître de la Contre-révolution, et de ce point de vue louable, présent dans le catalogue des Éditions Saint-Remi, est le comte Joseph de Maistre, qui était sans doute “traditionaliste”, ainsi que franc-maçon, bien que contre-révolutionnaire (cf. Sodalitium n° 49 : Joseph de Maistre ésotérique ?). Parmi les auteurs publiés par Saglio ne manque pas le rabbin converti Paul Drach (très estimé par Louis-Hubert Remy) et ses disciples (comme les frères Lémann), pourtant lui aussi “traditionaliste” véhiculant (de bonne foi – je pense) la grave erreur d’une bonne Cabale à côté d’une Cabale dévoyée (cf. Sodalitium n° 69-70). L’énumération pourrait continuer, et d’ailleurs nous n’avons pas été les premiers à observer ce problème de fond dans la prétendue “école antilibérale” du XIXe siècle répandue par Remy et ses épigones : un élève de l’abbé Belmont – le séminariste Athanase-Henri Sauget – le fit déjà dans son écrit Mgr Gaume et le Traditionalisme, une étude de 31 pages qui date de novembre 2014. Nous ne sommes donc pas les seuls, et peut-être pas non plus les premiers, à avoir constaté depuis longtemps et à plusieurs reprises cette erreur de l’école de pensée à laquelle font référence (aussi) les Éditions Saint-Remi. Une autre critique de notre part à cette “école de pensée” n’est pas non plus une nouveauté. Elle concerne en général – parmi les études catholiques – la nécessité de suivre une ligne de “rigueur et de vérité”. Ce n’est pas par hasard que nous citions, dans notre recension, l’article programmatique “Notes pour l’étude de la Sainte Écriture (et des autres sciences ecclésiastiques en général)” (Sodalitium n° 63), ainsi que “Problèmes de documentation dans certains livres antimaçonniques” (Sodalitium n° 69-70). Dans l’exégèse, dans la théologie, dans l’histoire ecclésiastique, dans la nécessaire documentation contre la “judéo-maçonnerie”, les Éditions Saint-Remi et semblables préfèrent des auteurs peu documentés et peu fiables. On ne combat pas la franc-maçonnerie avec les légendes à la Léo Taxil, ni même, comme démontrent les auteurs cités dans l’article en question, avec la légende “Pike-Mazzini” ou autres.
B. Saglio m’attaque ensuite, dans le sillage de l’abbé Paladino et de plusieurs autres, sur l’exégèse de l’Apocalypse dont il est question dans le n° 49 d’avril 1999, à laquelle il oppose l’exégèse du vénérable Holzhauser (p. 12). Dommage que Holzhauser (qui par ailleurs, comme l’abbé Grossin désormais Rolland, croyait aux pseudo-prophéties du pseudo-Malachie) place l’avènement de l’Antéchrist en 1855 et prétend qu’il mourra à l’âge de 55 ans et demi. Mais comme avec les Témoins de Jéhovah, certaines personnes ne se laissent pas convaincre par la non réalisation de leurs prophéties, et en changent les dates à leur gré. Mais quel est le motif, profondément exégétique, pour lequel L.-H. Remy d’abord et B. Saglio maintenant croient fermement à l’exégèse de Holzhauser ? Parce qu’il annonçait la venue du “Grand Monarque” et du “Saint Pape”, auxquels évidemment en Bretagne on croit presque comme à un dogme de foi. Et en effet, les Éditions Saint-Remi ont publié plusieurs ouvrages sur le “Grand Monarque”, parmi lesquels Le Grand Monarque à venir, et la paix sous son règne de l’abbé Franz Spirago (1862-1942). Je n’ai pas lu le livre, mais la présentation qu’en fournit l’éditeur m’a suffi, étant donné qu’auteur et éditeur donnent du crédit à Adrien Péladan (Le dernier mot des prophéties) et à Nostradamus ! Si ce dernier est célèbre, peut-être que ne l’est pas autant Adrien Péladan père (1815-1890), militant monarchiste et “catholique” mais occultiste, digne père de Joséphin (1858-1918), connu pour l’Ordre de la Rose-Croix kabbalistique, fondé par lui avec Stanislas de Guaita et Gérard Encausse dit “Papus”, et d’Adrien Péladan fils (1844-1885), médecin homéopathe victime de ses mêmes médecines et lui aussi spécialiste en sciences occultes : une belle famille, c’est certain ! Il n’y a pas besoin de Paul Airiau (Le Grand Monarque dans le catholicisme français, XIXe-XXe siècles) pour reconnaître dans le mythe du Pape Angélique et du Grand Monarque une ascendance joachimite et millénariste évidente, associée parfois à des déviations peu orthodoxes comme celle de la doctrine de la rénovation du chanoine Emmanuel Chabauty (1827-1914) et d’autres. Son livre, “Études scripturales, patristiques, théologiques et philosophiques, sur l’avenir de la religion catholique selon le plan divin ou la régénération de l’humanité et la rénovation de l’univers” (1890-1893) fut mis à l’Index des livres interdits (1896) avec quatre autres de ses ouvrages sur le “Système de la rénovation”. Cela n’empêche pas de mentionner favorablement Chabauty dans le catalogue des auteurs des Éditions Saint-Remi. Par ailleurs, le catalogue des Éditions de B. Saglio n’en a que faire de l’Index des livres interdits : en décrivant le livre de Déodat Lapilli “Le message de La Salette commenté par Mélanie Calvat et son confesseur”, il écrit au sujet d’un livre de l’abbé Gilbert Combe (le confesseur de Mélanie, justement) : “il est vrai que la diffusion de ce livre fut rapidement freinée par sa mise à l’Index le 12 avril 1907. Cette affaire mérite d’être étudiée, car elle est révélatrice de l’hostilité rencontrée par le Secret de La Salette auprès d’une faction de l’épiscopat français et d’autres clercs qui n’acceptaient pas que l’Immaculée vienne se faire l’écho des menaces bibliques contre les ministres de Dieu” (notez que le Pape en 1907 était saint Pie X). Dans son éditorial (p. 12) contre l’abbé Ricossa, La voix des Francs lui impute des “erreurs sur La Salette” “allant jusqu’à interdire la lecture du Secret aux fidèles”, ce que je n’ai jamais dit ou écrit, me limitant à publier une collection de tous les actes du Saint-Siège à ce propos (qui effectivement en interdisaient la lecture).
Enfin, l’éditorial de La Voix des Francs m’accuse à nouveau d’avoir défendu “le grand félon italien Rampolla del Tindaro” (autrement dit le cardinal secrétaire d’État de Léon XIII nommé secrétaire du Saint-Office par saint Pie X qui, entre parenthèses, était italien lui aussi). Peut-être est-il opportun de rappeler que nous n’avons jamais défendu le cardinal Rampolla del Tindaro – dont nous désapprouvons la politique religieuse et diplomatique – mais la vérité historique. Quant au témoignage que j’aurais caché “sous le boisseau” (p. 12), que B. Saglio sache que je l’ai fait par respect de la mémoire d’un vieil ami (et je peux mieux m’expliquer en privé avec B. Saglio, s’il le désire). C’est la même vérité historique que j’ai défendue à propos de la soi-disant rétractation de Mgr Guérard des Lauriers, publiée également par les Éditions Saint-Remi à la suite de L.-H. Remy, et que j’ai amplement réfutée.
B. Saglio conclut avec deux affirmations catégoriques, toutes les deux tout aussi catégoriques que fausses : la première est que notre “rejet de ces ouvrages” aurait comme “dénominateur commun” leur “non-compatibilité avec la thèse de Cassiciacum”. Non, Monsieur Saglio. Plusieurs ouvrages de votre catalogue ne sont pas incompatibles avec la thèse de Cassiciacum, mais avec la raison, le bon sens, la vérité historique. Il peut y avoir – et il y a – des personnes qui suivent la thèse de Cassiciacum et croient au Grand Monarque, hélas, et B. Saglio les connaît bien. La seconde est que “nous faisons de cette thèse un dogme de Foi”. Cette affirmation aussi est complètement infondée, alors qu’il est vrai que nous n’acceptons dans notre séminaire que ceux qui adhèrent à la thèse (tandis que nous administrons les sacrements même à ceux qui n’y adhèrent pas). La thèse n’est pas une vérité de Foi, elle est simplement vraie. Enfin, je voudrais avertir B. Saglio, qui croit que le prochain Pape sera nommé directement par saint Pierre, qu’au Palmar de Troya saint Pierre aurait déjà élu – à la mort de Paul VI – son successeur en la personne de Clemente Dominguez-Grégoire XVII. B. Saglio n’y croit pas ? Il est un dangereux rationaliste qui ne croit pas aux “prophéties”… exactement comme moi !

Mgr Umberto Benigni
P.S. : Peut-être ai-je compris le motif de tant de froideur envers Mgr Benigni de la part d’un certain traditionalisme dont nous nous sommes occupés. Il suffit de relire certains passages du programme du Sodalitium Pianum approuvé et loué par saint Pie X :
“14. contre l’enseignement philosophique, dogmatique et biblique «modernisé», qui, même quand il n’est pas tout à fait moderniste, est tout au moins rendu pareil à un enseignement archéologique ou anatomique, comme s’il ne s’agissait pas d’une doctrine immortelle et vivificatrice que tout le clergé, sans exception, doit apprendre surtout pour son ministère sacerdotal ; pour l’enseignement ecclésiastique inspiré et guidé par la glorieuse tradition de la Scolastique, des Saints Docteurs de l’Église et des meilleurs théologiens du temps de la Contre-Réforme, avec toutes les aides sérieuses de la méthode et de la documentation scientifiques.
15. contre le faux mysticisme à tendances individualistes et illuministes ; pour la vie spirituelle intense et profonde, selon l’enseignement doctrinal et pratique des saints auteurs et des mystiques loués par l’Église”.
J’ai mis en caractères gras les points qui risquent d’être indigestes pour nos amis : un digestif efficace est urgent !
La rédaction de ce présent article était déjà terminé quand m’est parvenu, samedi 12 juillet à 22 h 30, un mail des Éditions Saint-Remi contenant un communiqué de Henri Barbier et Felix Causas (deux pseudonymes) contre Adrien Abauzit à propos de la question du cardinal Rampolla. Je tiens à préciser que j’étais totalement dans l’ignorance de la vidéo d’Adrien Abauzit (mise en ligne au mois de juin) et que j’en ai découvert l’existence uniquement par leur communiqué, qui met également en cause ma personne. Quant à moi, je ne peux faire autrement que réaffirmer ce qui est écrit dans les différents articles dédiés à ce sujet et publiés sur Sodalitium (numéros 60 et 65 de l’édition italienne et n° 62 de l’édition française avec un appendice non présent dans l’édition italienne. La recension sur le conclave de 1903 publiée sur le n° 65 de l’édition italienne n’a malheureusement pas été traduite et publiée, me semble-t-il, sur l’édition française).