Les erreurs de Sì Sì No No

(extrait de Sodalitium n°43)

Par M. l’abbé Giuseppe Murro

J’ai connu l’inoubliable don Putti (“Padre Francesco” pour ses amis) et c’est précisément à sa mémoire et en son honneur que je prends la plume pour répondre aux erreurs écrites sur le journal qu’il a fondé. Non seulement don Putti ne les aurait jamais publiées, mais il les aurait sans aucun doute combattues et stigmatisées comme il avait coutume de le faire.

Cet article comporte deux parties d’inégale longueur : l’une réfute l’erreur diminuant la valeur théologique du Concile Œcuménique ; l’autre réfute l’intervention de M. l’abbé Philippe Marcille lors du Congrès de Sì Sì No No en janvier 1996.

Abréviations

M. = abbé Philippe Marcille.
FSPX = Fraternité Sacerdotale St Pie X.
Église… = Église et Contre-Église au Concile Vatican II.
S. = Sì Sì No No.
M.O.U. = Magistère Ordinaire et Universel.
E. P. = Enseignements Pontificaux – L’Église, Desclée, 1959.
DS = Denzinger-Schönmetzer, Enchiridion Symbolorum definitionum et declarationum, XXXVI ediz., Herder, 1976.
Conc. Vat. = Concile du Vatican : dans cet article il s’agit du Concile qui se tint au Vatican du 8/12/1869 au 20/10/1870, communément appelé Concile Vatican I.

 

PREMIÈRE PARTIE
L’accord des théologiens est plus important
qu’un Concile œcuménique

Est-il possible que S. dise une chose pareille ? Si je ne l’avais pas lu de mes propres yeux je ne l’aurais pas cru. Lisons ensemble Sì Sì No No [éd. ital.] Année XII, n° 7, 30-4-1996, pp. 6-7 : “Perché l’Inferno non può essere vuoto”. L’énormité consiste en ceci : pour prouver que l’Enfer n’est pas vide, S. utilise justement l’argument de l’accord des théologiens, qui témoigne de la doctrine infaillible de l’Église. Mais dans le même article, S. arrive à dire que le Concile Œcuménique (qui a la plus grande autorité dans l’Église, bien supérieure à l’accord des théologiens) n’est pas infaillible !

La question repose sur les notes théologiques (cf. Sodalitium n° 40, p. 46) : quand on étudie une doctrine, la note théologique est le jugement donné par le Magistère de l’Église qui indique quel est le degré de certitude de ladite doctrine eu égard à la Foi catholique. A l’opposé la censure indique le degré d’erreur d’une doctrine, toujours en relation à la Foi catholique. Beaucoup croient de manière erronée que l’on est tenu d’adhérer à une doctrine seulement quand elle est définie de foi, c’est pourquoi dans tous les autres cas on serait libre de croire ou non. Voyons pourquoi cela n’est pas vrai.

L’expression (ou note) “de foi” indique de manière générique une vérité contenue au moins implicitement dans le Dépôt de la Révélation (1). Cette note générique a besoin d’une spécification : est “de foi divine”, ce qui est contenu explicitement ou implicitement dans la Révélation (2) ; est “de foi divine et catholique” (ou ecclésiastique) ce qui, en plus d’être contenu explicitement ou implicitement dans la Révélation, a été aussi défini par le Magistère de l’Église (3) ; est “de foi catholique” (ou ecclésiastique) ce qui est contenu seulement virtuellement dans le dépôt (connexe à lui) et a été défini par le Magistère. Quiconque nie n’importe quelle doctrine de foi pèche gravement contre la foi, et peut facilement glisser dans le schisme ou l’hérésie.

Ce qui n’est pas de foi, peut avoir l’une des notes suivantes : proche de la foi, doctrine catholique, théologiquement certain, sentence commune, vrai, sûr. Tous les catholiques sont obligés de suivre la doctrine affirmée par l’une de ces notes, et de refuser les doctrines qui ont reçu une censure (4) : tout cela sous peine de péché grave.

Au contraire une doctrine qui a seulement la valeur (ou note) de probable peut être objet d’opinion, c’est pourquoi on est libre de la tenir ou d’adhérer à une opinion contraire.

Je répète que nous parlons des notes ou censures données par le Magistère de l’Église : nous ne traitons pas ici des notes ou censures données par les théologiens. Mais là où les théologiens, ou les plus importants d’entre eux, sont unanimes dans l’enseignement d’une doctrine, on n’est pas libre de la refuser. Il est évident que si une doctrine enseignée par l’unanimité des théologiens doit être suivie, à plus forte raison est-on obligé de tenir une doctrine enseignée par le Magistère de l’Église.

Que dit au contraire Sì Sì No No ? A propos de la doctrine selon laquelle en Enfer il y a des damnés, un lecteur de S. écrit: “Est-ce ou non une vérité de foi ? Si oui, de quel type de vérité de foi (divine, divino-catholique, ecclésiastique, etc.) s’agit-il ?” (5).

Voilà déjà plusieurs années que nous sommes habitués à entendre dire par la FSPX, qui contrôle S. depuis la mort de don Putti : dans le Magistère de l’Église il peut y avoir des erreurs ; seules les déclarations solennelles sont infaillibles, les autres peuvent contenir des erreurs. C’est pourquoi on peut désobéir tranquillement au Concile Œcuménique Vatican II, aux enseignements de Paul VI et Jean-Paul II, à tout ce qui concerne la législation donnée par le Saint-Siège depuis 30 ans à ce sujet, étant donné que rien de tout cela n’est certifié par l’infaillibilité.

Or en commençant à lire la réponse de S. j’ai exulté de joie en voyant finalement affirmées certaines des vérités sacro-saintes niées impudemment jusqu’à aujourd’hui. En effet on lit : que l’Église avec le Magistère Ordinaire et Universel est infaillible ; que l’Église est l’interprète autorisée des Ecritures; que la voix du Magistère oblige même en ce qui est défini implicitement. J’ai cru, j’ai espéré (naïf que je suis ! ) que, à l’occasion de cette lettre, la FSPX silencieusement reviendrait sur la bonne voie.

J’ai dû changer d’avis, immédiatement.

En continuant à lire l’article, S. présente une seconde lettre sur le même sujet, que je résume ici par manque de place. Le lecteur affirme : c’est seulement une opinion que l’Enfer est occupé, opinion valide autant que l’opinion contraire (qui affirme que l’Enfer est vide) ; la preuve est donnée par le principe (enseigné et diffusé depuis des années par la FSPX, n.d.r.) selon lequel seules les doctrines contenues dans la Révélation et définies solennellement sont vraies (comme “l’expérience de Vatican II m’a enseigné” confesse celui qui écrit). De ce principe le lecteur conclut : si le Concile Œcuménique Vatican II n’est pas infaillible (puisqu’il n’aurait pas donné de définitions solennelles, n.d.r.) et peut être réfuté, alors de même la doctrine selon laquelle l’Enfer est habité par des hommes (qui n’a pas fait l’objet ni d’une définition solennelle, ni d’un Concile Œcuménique) n’est pas infaillible et donc peut être licitement réfutée. Lisons : “Pourquoi serais-je autorisé à refuser (comme je refuse) certaines doctrines de Vatican II et non autorisé à refuser des doctrines qui ont un poids théologique égal ou moindre” ? C’est pourquoi, conclut-il, les théologiens néo-modernistes ont pu créer la doctrine de l’Enfer vide, étant donné que la question n’était pas définie.

En pratique le lecteur est un fervent partisan du vieux principe de la FSPX : “seules les vérités révélées et définies solennellement sont vraies”. Mais il a commis deux erreurs. Primo, il en a tiré les conséquences logiques, et il ne sait pas que tirer les conséquences logiques des principes de la FSPX conduit inévitablement à l’hérésie. Secundo, il ne s’est pas mis au courant des derniers développements doctrinaux de la FSPX : de ce que nous avons lu au début de cet article de S., il apparaît que maintenant la FSPX s’est aperçue (après deux décennies) que – outre les définitions solennelles – il existe beaucoup d’autres jugements du Magistère qui sont infaillibles et obligent le croyant.

La réponse de S. commence par une belle effronterie. Le lecteur donc a été endoctriné depuis peut-être de nombreuses années par le principe lefebvriste “seul le dogme est de foi, le reste non”, et maintenant c’est justement de ses maîtres qu’il doit recevoir le coup de baguette. S. écrit: « Le patrimoine de la foi catholique ne se limite pas… aux “dogmes définis clairement et solennellement par les Conciles Œcuméniques et par les Papes” et – ce qui vous surprendra certainement [mais la surprise, pour le lecteur, c’est précisément de l’entendre dire par S. ! ] – même les dogmes ne se limitent pas aux dogmes définis » (6). De plus S. admet [j’ai peine à y croire, après me l’être entendu nier mille fois] que même une simple “sentence commune des théologiens” a sa valeur et peut être définie par l’Église. Sans parler de l’autorité des Pères et des Docteurs de l’Église, desquels nous ne pouvons nous éloigner.

C’est la question du Concile Œcuménique Vatican II qui m’a complètement fait changer d’avis sur la bonne foi de S. Je m’explique : si l’accord des théologiens oblige le croyant, à plus forte raison le Concile Œcuménique, expression de la hiérarchie sacrée de l’Église, bien plus importante que l’ensemble des théologiens : “Le Christ… préside et guide les Conciles de l’Église”, enseigne Pie XII (7). Seul le concile qui n’a pas reçu l’approbation de l’Autorité de l’Église (comme le Concile de Bâle) n’oblige pas les croyants. Le Concile Vatican II est un concile Œcuménique et a été approuvé par Paul VI ; le refuser, veut dire refuser l’autorité de Paul VI.

Pour se dérober à la doctrine catholique, S. développe une nouvelle thèse : pour que l’Église soit infaillible, l’assistance de l’Esprit-Saint ne lui suffit pas, mais il faut qu’elle répète ce qui a été dit toujours et partout (semper et ubique), autrement elle peut proférer des erreurs. Ceci est un principe absolu. Le Magistère, pour S., n’est plus infaillible de lui-même : la tâche de tout fidèle sera donc de contrôler toutes les fois qu’il parle, si ce qu’il dit a toujours et partout été soutenu. « C’est une règle absolue, dit S., que le catholique ne doit croire que ce qui n’est pas en contradiction avec ce que l’Église a toujours et partout enseigné et cru » (8). Si cette règle est absolue, elle doit être toujours appliquée sans exceptions, et ses conclusions se vérifieront toujours. Voyons-voir. Quand Pie XII décréta, contre ce qui avait été affirmé précédemment, que la matière et la forme du Sacrement de l’Ordre sont l’imposition des mains et la lecture de la Préface, son jugement – d’après la règle de S. – ne peut pas avoir été infaillible ! Le même sort sera réservé au dogme de l’Immaculée Conception : cette vérité n’a pas été crue toujours et partout, même de très bons théologiens comme St Thomas d’Aquin pensaient le contraire. Sans parler de la Messe du soir et du jeûne des trois heures pour la Communion, établis par Pie XII : d’après la thèse de S. tout ceci constitue une véritable révolution qui a bouleversé la règle absolue, le semper et ubique !

La règle de la Foi donc pour S. n’est plus le Magistère de l’Église (comme nous l’avons vu aux pages 31-33), mais l’enseignement de toujours et partout. Et pour mieux affirmer cette nouvelle théorie, il faudra changer l’Acte de foi. Lisons: « “Mon Dieu, je crois fermement tout ce que vous avez révélé et ce que la sainte Église nous propose à croire…” ». Pour tous, l’Église veut dire le Pape régnant ; au contraire S. change l’interprétation de l’Acte de foi et en change ainsi le sens, en ajoutant : « …(la Sainte Église – c’est évident, mais aujourd’hui il est nécessaire de le préciser – ne s’identifie pas au Pape du moment, qui ne parle pas ex cathedra) » (9). Peut-être que S. a oublié l’axiome : “Ubi Petrus ibi Ecclesia”. La nouvelle règle de S. est absolue; au contraire la Règle de la foi et l’Acte de foi ne le sont pas.

Je rappelle seulement les paroles de Pie XII (10) :

Et, bien que ce Magistère doive être pour tout théologien, en matière de foi et de mœurs, la règle prochaine et universel le de vérité – car le Christ Notre-Seigneur lui a confié tout le dépôt de la foi, Ecriture Sainte et Tradition, à garder, à défendre et à interpréter, – toutefois le devoir qu’ont les fidèles d’éviter aussi les erreurs qui voisinent plus ou moins avec l’hérésie et, par conséquent d’“observer même les constitutions et décrets par lesquels le Saint-Siège proscrit et prohibe de telles opinions mauvaises” (11).

On dira : mais ne voyez-vous pas que ceux de la FSPX ont fait un pas en avant ? Il faut les encourager de manière à ce qu’ils en fassent un autre : au fond ils sont de bonne foi, ils recherchent eux aussi la vérité.

Je regrette, mais nous avons la confirmation que la bonne foi n’existe justement pas. En effet S. cite Pie IX dans le Bref célèbre à l’Evêque de Münich (12), dans lequel le Pape dit que l’obéissance ne doit pas se limiter aux vérités qui ont été définies… “mais doit s’étendre aussi aux vérités que par le Magistère Ordinaire de l’Église dispersée sur la terre, et que pour cette raison les théologiens catholiques, dans un accord constant et universel, considèrent comme appartenant à la foi”. Il ressort clairement de ce texte que, après le jugement du Magistère qui indique ce qui a été révélé par Dieu, les théologiens sont unanimement obligés de consentir à cette doctrine laquelle désormais constitue matière de foi. S’il n’y avait pas eu l’enseignement de l’Église, il n’y aurait pas eu accord entre les théologiens. Donc pour les théologiens la règle de la foi est le Magistère, enseigne Pie IX ; pour S. la règle absolue est le “toujours et partout” (13).

Le même S. cite Pie XII : la théologie doit être “sous la vigilance du Magistère” et elle est bonne si elle est conduite par “des hommes d’un génie et d’une sainteté non communs” que “le Magistère de l’Église a si fortement appuyé de son autorité” (14) : donc Une session du Concile Vatican I Pie XII dit encore une fois que c’est le Magistère la Règle de la foi. Mais l’auteur de l’article de S. l’a-t-il compris ?

Si la doctrine de l’Église ne suffisait pas (et je m’arrête à Pie IX et Pie XII pour le prouver), procédons par l’absurde : utilisons le principe de S. avec la doctrine de Humani Generis, pour voir où il nous conduit. Pour S., Paul VI et Jean-Paul II sont Papes et ont l’Autorité dans l’Église : sous leur “Autorité” le Magistère Ordinaire et Universel a déclaré qu’il est révélé par Dieu que tout homme, même pécheur, a une dignité qui ne se perd jamais. Nous devrions donc adhérer à cette définition ! Si cela ne suffisait pas, des théologiens d’un génie non commun (parmi lesquels de Lubac, Congar, Von Balthasar) “sous la vigilance du Magistère” de Paul VI et Jean-Paul II, ont affirmé que ceci est une vérité de foi. S. essaye d’objecter que ce sont des théologiens modernistes. Mais (je continue à citer S.) “le Magistère de l’Église a si fortement appuyé de [leur] autorité” [de Paul VI et Jean-Paul II, n.d.r.] cette théologie, qu’il les a nommés Cardinaux de la Sainte Église ! Pourquoi alors ne devrions-nous pas suivre cet accord des théologiens ?

Chers amis de S., si vous croyez que Jean-Paul II a l’autorité sur l’Église, comment faites-vous pour contester ce qu’il dit ? Avec quelle autorité pouvez-vous le juger ? Peut-il y avoir quelqu’un au-dessus du Pape ? Ou bien faut-il refuser l’autorité de Wojtyla, comme le fait Sodalitium ? Mais non, vous dites qu’il a l’autorité. Comme les pharisiens criaient de manière hypocrite à Pilate : “Nous n’avons pas d’autre roi que César”, de la même manière vous proclamez : “Nous reconnaissons l’autorité de Jean-Paul II”. Celui qui ne reconnaissait pas César, devenait son ennemi ; celui qui ne reconnaît pas Jean-Paul II, se retrouve contre le monde entier. “S’il est juste devant Dieu de vous obéir [aux hommes] plutôt qu’à Dieu, jugez-en” (Actes IV, 19), disait St Pierre au Sanhédrin, qui avait perdu l’Autorité.


Notes
  1. Une vérité est contenue dans la Révélation quand elle se trouve dans la Sainte Ecriture ou dans la Tradition (enseignée par les Pères de l’Église). ↑ retourner eh haut
  2. Dans la Révélation, par ex., est contenu explicitement que Jésus est Dieu; or Dieu est omniprésent; donc il est implicitement révélé que Jésus, en tant que Dieu, est omniprésent.↑ retourner eh haut
  3. Comme par exemple l’Immaculée Conception. La définition du Magistère peut être faite par un acte du Magistère solennel ou par le Magistère ordinaire; en Concile ou en dehors d’un Concile.↑ retourner eh haut
  4. Exemples de censure: Erreur, proche de l’hérésie ou de l’erreur, suspecte ou ayant saveur d’hérésie, erreur en théologie, téméraire, fausse, offensante pour le sens chrétien, scandaleuse, non sûre.↑ retourner eh haut
  5. S. n° 7, p. 6, col. 2.↑ retourner eh haut
  6. S. n° 7, p. 7, col. 3.↑ retourner eh haut
  7. Pie XII, Mystici corporis, 29-06-1943, Bonne Presse, Paris 1943, p. 27 et E. P. n° 1049. Cf. S T P IE X, Ex quo, nono labente, 26-12-1910, E. P. n° 746.↑ retourner eh haut
  8. S. n° 7, p. 8, col. 2.↑ retourner eh haut
  9. S. n° 7, p. 8, col. 1.↑ retourner eh haut
  10. Humani Generis, 12-8-1950, Documents Pontificaux de Sa Sainteté Pie XII, année 1950, éd. Labergerie, Paris 1952, p. 311 et E. P. n° 1278.↑ retourner eh haut
  11. CJC, can. 1324; Conc. Vat., De Fide cath., DS 3045.↑ retourner eh haut
  12. Tuas libenter, 21-12-1863, DS 2879, cité par S. p. 8, col. 2.↑ retourner eh haut
  13. S. le répète encore, pour qui ne l’aurait pas compris, à la p. 8, col. 27.↑ retourner eh haut
  14. Humani Generis, 12-8-1950.↑ retourner eh haut

 

SECONDE PARTIE
Le Magistère d’après l’abbé Marcille

Dans le numéro précédent de Sodalitium j’avais annoncé une réponse à l’article de l’abbé Philippe Marcille paru sur la revue Sì Sì No No, (1) sous le titre : “GRANDEUR et VULNERABILITÉ du Magistère ordinaire et universel de l’Église” et publié ensuite en français avec quelques différences dans le livre “Église et Contre-Église au Concile Vatican II(2) sous le titre : “La crise du Magistère Ordinaire et Universel”. Le texte français a été abrégé ; c’est à lui que je me réfère dans cet article. Lorsque des passages publiés dans l’édition italienne ne sont pas repris dans la publication française, je me réfère au texte publié sur la revue Sì Sì No No, qui retranscrit “la conférence tenue par l’abbé Philippe Marcille à l’occasion du IIème Congrès théologique de Sì Sì No No” (Albano Laziale, janvier 1996).

Sì Sì No No (dont le directeur est l’abbé du Chalard, prêtre de la Fraternité St Pie X) écrit : « L’auteur y affronte, avec compétence et fidélité à la grande théologie catholique, un sujet d’une extrême gravité, sur lequel il est nécessaire d’avoir des idées très claires dans la crise actuelle de l’Église » (3). La Fraternité St Pie X fait donc sienne la position de l’abbé Marcille (membre de cette société). Malheureusement après avoir lu les articles en question sur ce « sujet d’une extrême gravité », le lecteur n’en sort certainement pas avec les idées plus claires.

But de l’article de M.

M. écrit : « L’unanimité morale de l’épiscopat en communion avec l’évêque de Rome présente comme obligatoires des doctrines manifestement en opposition avec la Tradition apostolique. Or, selon le magistère du Concile Vatican I, le dépôt de la foi se trouve dans l’enseignement du Magistère Ordinaire Universel. Le dépôt de la foi contredirait-il le dépôt de la foi? (4). Comment le magistère d’aujourd’hui peut-il contredire le magistère constant et unanime d’hier ?… C’est à ce dilemme que je propose une solution » (5).

En faisant cela l’abbé M. se propose de justifier la position doctrinale et pratique de la FSPX contre les partisans du Concile Vatican II et les adeptes de la vacance du Siège Apostolique, lesquels emploient le même argument de l’infaillibilité du M.O.U. pour arriver à des conclusions opposées entre elles mais concordantes dans le fait de considérer comme erronée la position de la FSPX. M. réussira-t-il à démontrer sa théorie ? Pour Sodalitium certainement pas ; il mettra même en évidence une série de thèses plus ou moins contrastantes avec l’enseignement traditionnel de l’Église.

Avant d’examiner ces thèses je dois faire une remarque préliminaire sur la méthode utilisée par M.

Approximations et falsifications

« L’exposé qui va suivre est un résumé très simplifié d’un gros travail entrepris depuis dix ans » (6). Malgré les dix années passées dessus, l’article de M. ne paraît pas jouir de cette scientificité requise en théologie. Je me réfère surtout aux citations : elles sont presque toujours approximatives et souvent carrément falsifiées.

Volontiers M. ne cite pas la page où trouver les références produites, obligeant le lecteur à une longue et parfois vaine recherche ; souvent il rapporte la pensée d’un auteur sans le citer entre guillemets, c’est pourquoi on ne sait pas si et dans quelle mesure elle doit être vraiment attribuée à l’auteur cité ou à M. : pour Billot par exemple il ne donne que les numéros des thèses. Ces approximations sont-elles un signe de superficialité ou bien servent-elles à cacher de vraies falsifications ? Le doute m’est venu après avoir contrôlé certaines citations.
Voici les exemples les plus graves :

  1. M. affirme que « Vacant pense que la note la plus élevée qui puisse être donnée à un enseignement du M.O.U. est “Proxima fidei” » (7); de même « si le Concile Vatican I dit que l’on doit croire de foi Divine et catholique l’enseignement du M.O.U., Vacant dit que la note la plus élevée qu’on puisse donner à un enseignement de ce même magistère est “Proxima Fidei” » (8). Comme unique référence il donne le livre de Vacant Le Magistère Ordinaire Universel et ses organes, sans aucune indication d’éditeur et de page. J’examinerai plus loin en quoi cette doctrine est erronée. Je me suis demandé immédiatement : comment est-il possible qu’un théologien sérieux comme Vacant affirme une telle énormité ? J’ai donc consulté Vacant dans Etudes Théologiques sur les Constitutions du Concile du Vatican. d’après les actes du Concile (9) ; il affirme exactement le contraire de ce que lui fait dire M.

    Il ne faut pas oublier – dit Vacant – que le Conc. Vat. range le magistère ordinaire, sur le même pied que les jugements solennels, sans faire aucune distinction entre les vérités qui en sont l’objet. Les théologiens font de même. C’est donc que le magistère ordinaire possède une autorité suffisante, pour rendre de foi catholique une vérité qui était seulement de foi divine (10).

    Il est vrai que dans le paragraphe suivant n° 663, Vacant affirme que dans la pratique il sera difficile de discerner quand le M.O.U. s’est prononcé avec cette autorité ; mais il faut ajouter que pour Vacant cela serait possible au moyen des enseignements du Saint-Siège (11). M. n’a donc pas présenté de manière objective et complète la pensée de Vacant.

  2. M. soutient que dans le Magistère l’infaillibilité est « un accident corrélatif de l’obligation de croire de foi Divine et catholique pour le fidèle » (21) et pour démontrer ceci il cite en note le cardinal Billot, dans le “De Ecclesia” thèse XVII :

    Or l’ordre de croire fermement sans examiner l’objet… ne peut générer une vraie obligation que si l’autorité est infaillible (13).

    Le lecteur inattentif pensera : ce que dit M. doit être vrai, étant donné qu’il s’appuie sur l’autorité de Billot. Mais dans cette phrase attribuée à Billot il est dit simplement que seule l’autorité infaillible peut imposer l’acte de Foi : s’il y a possibilité d’erreur, si l’autorité n’est pas infaillible, il ne peut y avoir acte de Foi ; sans infaillibilité il n’y a pas obligation de croire. Billot affirme donc tout le contraire de ce que dit l’auteur : l’infaillibilité n’est pas un accident corrélatif à l’obligation de croire, c’est une conditio sine qua non, une condition sans laquelle il ne peut y avoir acte de foi. J’ai ensuite cherché la phrase attribuée à Billot, dans la thèse XVII du Traité “De Ecclesia”. La thèse compte environ trente pages, subdivisées en paragraphes : M. n’indique ni la page, ni encore moins le paragraphe. Après avoir relu deux ou trois fois les trente pages, je n’ai pas réussi à trouver la fameuse phrase : si elle est de Billot, où se trouve-t-elle ? Cette fois M. non seulement n’a pas présenté la pensée de l’auteur de manière objective, il l’a déformée sans en donner les références exactes.

  3. Selon M. un des cas historiques d’erreur du Souverain Pontife serait celui du Pape Honorius : St Sophrone aurait désobéi à un ordre formel d’Honorius, « ce qui lui valut d’être excommunié par ce dernier ». La référence de cette nouvelle extraordinaire se trouve à la note 44 (14) : « DTC, article Honorius, col. 123 ». J’ai cherché en vain dans le DTC (qui est loin d’être d’orientation “romaine”) cet épisode, ainsi que dans plusieurs livres d’Histoire Ecclésiastique : il n’a jamais existé une excommunication du Pape Honorius à St Sophrone !
  4. Comme le fait remarquer le R. P. Barbara (14bis), pour justifier les consécrations épiscopales contre l’interdiction du Pape (ainsi que l’a fait Mgr Lefebvre en 1988, en continuant à reconnaître la légitimité de Jean-Paul II), M. cite dom Gréa, en donnant comme d’habitude une référence insuffisante. Selon M., dom Gréa affirmerait que les Evêques ont un pouvoir de suppléance par rapport au Pape jusqu’à pouvoir consacrer des Evêques, quand des conditions précises sont réalisées : danger pour l’existence de la religion, impuissance du pasteur local, « aucun secours à espérer du Saint-Siège » (15). J’ai consulté le texte de dom Gréa (16) : il affirme, pour la dernière condition, « aucune espérance de recours au Saint-Siège », c’est-à-dire qu’il est physiquement impossible de recourir au Pape. M. en substituant furtivement “secours” à “recours” a changé la pensée de dom Gréa. Pour Mgr Lefebvre la possibilité de recours existait. D’autre part dom Gréa affirme dans tout le paragraphe la nécessité pour les Evêques d’être dépendants et en communion avec le Pontife même dans de telles circonstances.

Les thèses de l’abbé Marcille

Les thèses exposées par l’abbé M. sont connexes entre elles, c’est pourquoi si nous voulons comprendre sa pensée nous devons en voir l’ensemble ; elles n’ont pas toutes la même gravité. Je regrouperai les différents thèmes de la manière suivante : le Magistère Ordinaire et Universel, le Magistère Ordinaire du Pape, l’infaillibilité, l’indéfectibilité de l’Église, la Règle de la Foi, la Théologie Romaine et j’en tirerai des conclusions.

Le Magistère Ordinaire et Universel

On dirait que l’abbé M. n’a pas compris ce qu’est le M.O.U., ni ce qu’est le motif de son infaillibilité : en pratique il anéantit le M.O.U. en le réduisant à la Tradition.

a) Sujet du M.O.U.

Selon la doctrine catholique le sujet du M.O.U., c’est-à-dire celui qui a le droit de pouvoir utiliser ce Magistère, est constitué par le corps des Evêques, successeurs des Apôtres, unis et soumis au Pontife romain (17). M. commence à dire que le sujet du M.O.U. sont tous les Evêques, même ceux qui n’ont pas pouvoir de juridiction : « La juridiction actuelle sur des baptisés n’est pas nécessaire » (18). Mais la doctrine de l’Église enseigne l’opposé : seuls les Evêques avec juridiction font partie de l’Église enseignante et donc eux seuls constituent le sujet du M.O.U. (19).

Pour M. au contraire, pour être sujet du M.O.U., plutôt que la juridiction, c’est la foi qui est nécessaire : « Est sujet du Magistère Ordinaire et Universel tout Evêque qui a la foi » (20). La preuve de son affirmation est tirée de Franzelin, qui rappelle comment « St Cyprien exigeait que le nouvel élu à l’épiscopat expose sa foi » (21). L’auteur ne réalise pas que cette profession de foi externe est nécessaire afin que le nouvel élu puisse être en communion avec le Pape et recevoir ainsi la juridiction ! Mais l’erreur de M. n’est pas une inadvertance : il a remplacé furtivement le critère objectif (la juridiction) par un critère subjectif. Comment faire pour savoir si l’Evêque a ou n’a pas la foi ? « Au moyen des lettres de communion [qui donnent la juridiction] avec le Pontife romain » répond le même Franzelin, quelques lignes plus bas. Cette solution ne plaît pas à M. ; mais en substituant le critère subjectif au critère objectif il en ressort que, de n’importe quel Evêque, indépendamment de toute juridiction, on pourra affirmer ou nier qu’il a la foi et est sujet du M.O.U. Enfin nous devons relever que là aussi la citation de Franzelin (approximative, comme d’habitude) est tronquée et sa pensée déformée.

Toujours à propos du M.O.U. M. fait une autre confusion : si un Evêque par lui-même n’est pas infaillible, pourquoi devraient-ils l’être tous ensemble ? « Comment le Magistère de l’ensemble des Evêques peut-il être infaillible si celui d’un seul Evêque ne l’est pas ? » (22). Mais la réponse est simple : à cause de l’indéfectibilité de l’Église. M. insiste: l’Evêque diocésain constitue « un organe faillible » (23). Je réponds : oui, si pris individuellement, en tant qu’il enseigne dans son diocèse. Non, en tant qu’il fait partie du Corps des Evêques (unis entre eux et soumis au Pontife romain) et enseigne quelque chose qui concerne la foi ou la morale : dans ce cas, il y a l’assistance de l’Esprit-Saint qui préserve de l’erreur (chose qui n’arrive pas pour le seul Evêque).

Mais cela ne semble pas possible à notre auteur : « Une assistance collective du Saint-Esprit [est] absurde, dit-il, parce que les accidents surnaturels peuvent arriver seulement dans une nature personnelle raisonnable et donc ne peuvent être entés sur un être collectif » (24). Je fais seulement remarquer à M. : quand les Evêques sont réunis en Concile Œcuménique, y-a-t-il ou non « l’assistance collective du Saint-Esprit » ? Si oui, pourquoi ne pourrait-elle pas être dans le M.O.U. ? Je répète : les seuls Evêques ne sont pas assistés, le corps des Evêques l’est. N’ayant pas compris cela, M. en tire le sophisme : parfois la majeure partie de l’Episcopat se trompe, donc le sujet du M.O.U. n’est pas toujours infaillible : « Comment est-il concevable qu’à une époque donnée, la majorité… de l’Episcopat catholique, puisse indiquer une fausse direction, puisse donner un enseignement contraire à la Tradition ? » (25). Là aussi la réponse est la même : il est possible que l’un ou plusieurs ou tous les Evêques sans le Pape puissent errer, parce qu’ils n’ont pas l’assistance divine ; mais il n’est pas possible que les Evêques avec le Pape se trompent, parce que dans ce cas il y a l’assistance du Saint-Esprit. Léon XIII enseigne :

Mais l’ordre des évêques ne peut être regardé comme vraiment uni à Pierre, de la façon que le Christ l’a voulu, que s’il est soumis et s’il obéit à Pierre ; sans quoi il se disperse nécessairement en une multitude où règne la confusion et le désordre (26).

L’intention de M. était donc de détruire le sujet du M.O.U. : celui qui a le pouvoir de l’exercer, disait-il, peut parfois se tromper. Il me semble avoir expliqué clairement que la doctrine catholique enseigne le contraire : le sujet du M.O.U. ne peut jamais se tromper.

b) Appartenance à l’Église

Une erreur analogue de M. concerne l’appartenance à l’Église : « Est membre de l’Église, de manière indéracinable membre de l’Église, tout baptisé qui a la foi (la soumission due en est une conséquence) » (27). Or si la soumission aux Pasteurs légitimes n’est qu’une conséquence et non quelque chose d’essentiel, elle peut ne pas exister ! Cette thèse de M. est en accord avec la doctrine œcuménique du Concile Vatican II (Unitatis Redintegratio, 3) et de Jean-Paul II (Ut unum sint, 66, 77; 13, 17), pour qui aussi les membres des autres religions chrétiennes sont membres imparfaits de l’Église, à cause du Baptême et de la foi. Pie XII avait déjà parlé contre cette doctrine dans Mystici Corporis : “Seuls” font partie des membres de l’Église :

  1. les baptisés,
  2. qui professent la vraie foi,
  3. qui ne se sont pas séparés de l’Église (sont soumis aux Pasteurs légitimes, ce qui exclut les schismatiques),
  4. qui n’en ont pas été retranchés pour des fautes très graves (l’excommunication) par l’autorité légitime (28).

Pour appartenir à l’Église donc, la soumission au Pontife n’est pas une conséquence de la foi, mais est quelque chose d’essentiel qui s’ajoute à la Foi, tout comme le fait de ne pas avoir reçu l’excommunication. M. tait les points 3) et 4), avec son approximation habituelle, et falsifie la doctrine catholique.

Ceci nous montre la mentalité de M. : il a exclu la nécessité de la soumission au Pontife romain soit pour être sujet du M.O.U., soit pour être membre de l’Église. Il s’agit de deux erreurs très graves qui dénotent une tendance schismatique.

c) But du M.O.U.

D’après les termes du Conc. Vat. (29), le M.O.U. peut enseigner les vérités révélées qui doivent être crues avec un acte de foi divine et catholique. Or ces vérités constituent les dogmes de foi, qui sont infaillibles, définitifs, irréformables. Mais M. n’est pas d’accord : il commence par affirmer que ce magistère ne donne pas de jugements irréformables (30), ni définitifs (31), pour conclure à la fin qu’il n’est pas infaillible (32). Dans le point suivant, sur la note du M.O.U., je traiterai de ses affirmations ; ici demandons-nous: à quoi servira le M.O.U. ? A « transmettre le dépôt », répond l’auteur (33), lequel ignore peut-être que, par la volonté de Dieu, le but de tout le Magistère de l’Église (et non seulement du M.O.U.) est ordonné à garder, transmettre, expliquer le dépôt de la foi.

C’est donc, sans aucun doute, le devoir de l’Église de conserver et de propager la doctrine chrétienne dans toute son intégrité et sa pureté (34),

dit Léon XIII.

d) Note théologique du M.O.U.

C’est une question de très grande importance. Je reprends ce que j’ai annoncé dans le paragraphe sur les approximations et falsifications.
Le Conc. Vat. ordonne de croire de foi divine et catholique les enseignements du M.O.U. La définition conciliaire ne convient pas à l’abbé M. parce qu’elle détruit toute la position de la
FSPX, et voici ce qu’il invente : quand le M.O.U. répète une chose déjà définie solennellement, seul alors son enseignement mérite la note théologique “de foi” (35); sinon, l’assentiment requis sera inférieur, « beaucoup plus faible », c’est-à-dire “proche de la foi” (36). « Le mot “infaillible” n’est pas utilisé dans le texte de Vatican I, et avec raison » (37), dit l’auteur. Il en découle que l’obligation d’adhérer à une proposition émise par le M.O.U. est inférieure par rapport à l’obligation d’adhérer à une proposition émise par le magistère extraordinaire, étant donné que le M.O.U. n’est pas infaillible.

L’affirmation de M. est très grave puisqu’il nie la définition du Concile pour lequel tout enseignement du M.O.U. est de foi :

Est à croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu ou écrite ou transmise, et que l’Église, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel, propose à croire comme divinement révélé (DS 3011) (29).

La définition a été répétée également par le Code pie-bénédictin (can. 1323, §1) et est d’une telle clarté qu’il n’est pas possible de se tromper. Pie IX déjà dans Tuas libenter avait enseigné que l’acte de foi ne doit pas être limité aux vérités définies, mais doit s’étendre à « ce qui est transmis comme divinement révélé par le magistère ordinaire de toute l’Église dispersée sur la terre » (38). Il est évident que l’acte de foi ne peut être fait que si l’enseignement est infaillible. Ayant lu ces textes, je me demande : comment un prêtre catholique peut-il nier la définition solennelle d’un Concile Œcuménique ? La réponse est évidente: M. en arrive à ce point pour justifier la position de la FSPX. De cette manière il vide le M.O.U. de sa valeur particulière qui est d’être un Magistère infaillible par lui-même et auquel tous doivent adhérer à son enseignement par un acte de foi divine et catholique. L’autorité de ce Magistère repose sur les Evêques unis au Pape, lesquels ne peuvent se tromper puisqu’ils constituent la Hiérarchie de l’Église qui est indéfectible. Si ce que dit M. était vrai, le M.O.U. ne serait infaillible que lorsqu’il répète des choses… déjà infaillibles ! Ce serait une infaillibilité de fait et non de droit (39) : le Saint-Esprit n’aurait plus aucune fonction particulière, enseignerait des vérités qui sont seulement “proches de la foi” ! Pour mieux comprendre la gravité de ce qu’affirme M., rappelons-nous l’intervention de Mgr d’Avanzo durant le Conc. Vat. du 20/6/1870 au nom de la Députation de la Foi (40) :

…Permettez-moi de rappeler comment l’infaillibilité s’exerce dans l’Église. De fait, nous avons deux témoignages de l’Ecriture sur l’infaillibilité dans l’Église du Christ, Luc XXII : J’ai prié pour toi, etc., paroles qui concernent Pierre sans les autres ; et la finale de Matthieu : Allez, enseignez, etc., paroles qui sont dites aux Apôtres mais non sans Pierre… Il y a donc un double mode d’infaillibilité dans l’Église ; le premier est exercé par le magistère ordinaire de l’Église : Allez, enseignez… C’est pourquoi, de même que l’Esprit-Saint, l’esprit de vérité, demeure dans l’Église tous les jours ; de même tous les jours l’Église enseigne les vérités de foi avec l’assistance du Saint-Esprit. Elle enseigne toutes ces choses qui sont soit déjà définies, soit contenues explicitement dans le trésor de la révélation mais non définies, soit enfin qui sont crues implicitement : toutes ces vérités, l’Église les enseigne quotidiennement, tant par le pape principalement que par chacun des évêques adhérant au pape. Tous, et le pape et les évêques sont infaillibles dans ce magistère ordinaire, de l’infaillibilité même de l’Église : ils diffèrent seulement en ceci que les évêques ne sont pas infaillibles par eux-mêmes, mais ont besoin de la communion avec le pape, par qui ils sont confirmés ; le pape, lui, n’a besoin que de l’assistance du Saint-Esprit à lui promise (…) Même avec l’existence de ce magistère ordinaire, il arrive parfois soit que les vérités enseignées par ce magistère ordinaire et déjà définies soient combattues par un retour à l’hérésie, soit que des vérités non encore définies, mais tenues implicitement ou explicitement, doivent être définies ; et alors se présente l’occasion d’une définition dogmatique.

L’autre mode d’infaillibilité, dira ensuite Mgr d’Avanzo, est le mode solennel que le Pape peut exercer soit par lui-même, soit en réunissant un concile œcuménique.

e) Magistère Ordinaire et Magistère solennel

Conclusion logique que tire M. de ce qu’il a dit avant (41) : entre Magistère extraordinaire et M.O.U. il existe une distinction essentielle, et non seulement accidentelle; affirmer qu’il y a seulement différence accidentelle conduirait, dit-il, à la collégialité ! M. n’arrive pas à comprendre que les Evêques, soumis au Pape, constituent un corps, l’Église enseignante, la hiérarchie de l’Église, comme l’affirmait aussi St Pie X (42) ; or “hiérarchie” ne veut pas dire “collégialité”. La théorie de M. est une innovation hétérogène. Salaverri, par exemple, enseigne l’opposé :

Les modes d’exercer le Magistère…, ordinaire, c’est-à-dire hors du Concile, extraordinaire, c’est-à-dire dans le Concile, concordent essentiellement en ceci, que tous deux constituent un acte de toute l’Église enseignante soumise au Pontife romain; ils différencient accidentellement dans le fait que le mode extraordinaire comporte en plus la réunion locale des Evêques (43).

Zubizarreta enseigne :

Le corps des Evêques en union avec le Pontife romain, soit réuni en concile, soit dispersé sur la terre, est sujet du magistère infaillible, car ce corps des Pasteurs en union avec le Pontife romain tient la place du collège apostolique et lui succède, et, par droit d’héritage, reçoit la charge d’enseigner, de gouverner et de sanctifier les hommes avec la prérogative d’infaillibilité (44).

Mgr Zinelli au Conc. Vat. affirmait :

L’accord des évêques dispersés a la même valeur que lorsqu’ils sont réunis : l’assistance a en effet été promise à l’union formelle des évêques, et non pas seulement à leur union matérielle (45).

L’abbé M. est tellement aveuglé par la passion de vouloir justifier la FSPX, qu’il ne voit pas la gravité de son affirmation: si la différence entre Magistère Ordinaire et Magistère extraordinaire n’était pas seulement accidentelle, nous aurions alors dans l’Église deux Magistères ! Ceci conduirait à une division et à un morcellement de la fonction enseignante de l’Église qui, dans la transmission du dépôt de la Révélation, serait parfois assistée par le Saint-Esprit, d’autres fois non. Mais en philosophie thomiste la fonction est déterminée par son objet : à un seul objet (transmettre la Révélation) correspond une seule fonction.

Il faut insister encore, puisque les saines notions de métaphysique réaliste paraissent oubliées. Sous peine de tomber dans une sorte de “nominalisme”, la théologie doit lire la réalité de la Révélation, sous la lumière de la raison éclairée par la foi, et non “coller des étiquettes” sans s’occuper du contenu… Le mode d’un acte est une qualification accidentelle qui ne change pas la spécification de la fonction, du pouvoir ou de la puissance qui exerce l’acte ! Par conséquent, si une classe de propositions rentre dans l’objet du magistère, celui-ci peut les qualifier et les juger infailliblement, soit en exerçant un acte solennel, soit par le simple exposé de la doctrine… Le mode de proposition de l a doctrine ne peut, en aucun cas, atteindre ou changer la nature et l’extension de l’objet, car l’objet est déterminé seulement par la nature et la fin du magistère, telle qu’elle ressort des paroles mêmes de Notre-Seigneur (Matth. XXVIII, 20) et de St Paul (I Tim. VI, 20 : « L’Église du Dieu vivant, colonne et firmament de la vérité » ) : l’Église est assistée pour qualifier le rapport de toute proposition au dépôt révélé. Le magistère est le pouvoir divinement assisté pour opérer cette qualification (46).

M. dit (47) avoir trouvé sa théorie dans le livre de Vacant cité plus haut. Nous avons déjà vu, à la page 39, que Vacant affirme au contraire la doctrine traditionnelle et ensuite distingue : de jure le M.O.U. peut définir une vérité qui est à croire de foi catholique :

Le Conc. Vat. place le magistère ordinaire sur le même pied que les définitions solennelles… C’est pourquoi le magistère ordinaire possède une autorité suffisante pour rendre de foi catholique une vérité qui était de foi divine (10).

Selon Vacant, de facto l’Église, en définissant un “nouveau” dogme (48) ou en condamnant une hérésie, pour plus de clarté utilise le magistère solennel car dans la pratique il est plus facile de reconnaître l’enseignement infaillible dans un acte du magistère solennel que dans un acte du magistère ordinaire. Mais Vacant n’exclut pas que l’Église puisse utiliser aussi de facto le magistère ordinaire : dans ce cas on pourra reconnaître son infaillibilité au moyen “des actes du Saint-Siège” (11), c’est-à-dire du Magistère du Pape. Pour bien faire comprendre quelle est la pensée de Vacant, et comment M. l’a falsifiée, je rapporte un autre passage toujours à propos du M.O.U. :

C’est ce mode d’enseignement [du magistère] qui, par lui-même, répond le plus pleinement à la mission dont Jésus-Christ a chargé ses apôtres ; car il leur a ordonné de se disperser par toutes les nations, pour enseigner, tous les jours, toute sa doctrine. Ses paroles sont formelles : « Allez instruire tous les peuples et apprenez-leur à garder tout ce que je vous ai dit, et moi je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Matth. XXVIII, 19-20). C’est par cet enseignement que l’Église s’est établie et que la doctrine de Jésus-Christ a été manifestée au monde, avant les définitions solennelles des Conciles et du Saint-Siège, et c’est la première règle de foi dont les Saints Pères aient invoqué l’autorité (49).

Après le Conc. Vat., l’Église a donné des enseignements ultérieurs sur la valeur du M.O.U., qu’un catholique doit suivre.

Pie XI enseigne :

Le magistère de l’Église, établi ici-bas d’après le dessein de Dieu pour garder perpétuellement intact le dépôt des vérités révélées et en assurer la connaissance aux hommes, s’exerce chaque jour par le Pontife romain et les Evêques en communion avec lui ; mais il comporte encore toutes les fois qu’il est nécessaire pour s’opposer plus efficacement aux erreurs et aux attaques des hérétiques ou développer avec plus de clarté ou de détails certains points de la doctrine sacrée, afin de les faire mieux pénétrer dans l’esprit des fidèles, la mission de procéder par décrets à des définitions opportunes et solennelles (50).

Rien ne convient moins en effet à un chrétien… que de… regarder l’Église, envoyée par Dieu cependant, pour enseigner et régir toutes les nations, comme médiocrement informée des choses présentes et de leurs aspects actuels, ou même jusqu’à n’accorder son assentiment et son obéissance qu’aux définitions plus solennelles dont nous avons parlé, comme si l’on pouvait prudemment penser que les autres définitions de l’Église sont entachées d’erreurs ou qu’elles n’ont pas un fondement suffisant de vérité et d’honnêteté (51).

Pie XII, à propos du dogme de l’Assomption, a déclaré que le M.O.U. enseigne

d’une façon tout à fait certaine et exempte de toute erreur [que la vérité de l’Assomption de la très Sainte Vierge au Ciel] est vérité révélée par Dieu et contenue dans le dépôt divin confié par le Christ à son Epouse… Le Magistère de l’Église, non point certes par des moyens purement humains, mais avec l’assistance de l’Esprit de Vérité, et à cause de cela sans commettre absolument aucune erreur, remplit la mission qui lui a été confiée de conserver à travers tous les siècles dans leur pureté et leur intégrité les vérités révélées ; c’est pourquoi il les transmet, sans altération, sans y rien ajouter, sans y rien supprimer (52).

Le R. P. Barbara illustre bien cette vérité : Pape et Evêques continuent l’action d’enseigner de Notre-Seigneur de deux manières, tout comme faisait le Maître Lui-même :

D’une manière simple et ordinaire, celle que Jésus utilisait habituellement : « Et il leur disait selon sa manière d’enseigner : Ecoutez ! Voici que le semeur sortit pour semer… La lampe vient-elle pour être mise sous le boisseau ? N’est-ce pas pour être mise sous le chandelier ? » (Mc IV, 2 ; 21). D’une manière solennelle et extraordinaire… Il commençait alors son enseignement par quelque formule solennelle : « En vérité, en vérité, je vous le dis » (…) « Bienheureux êtes-vous » ou « Malheur à vous ». Le magistère n’a rien inventé… il a adopté, pour enseigner, les façons de faire de Jésus (53).

En conclusion : les enseignements du M.O.U. sont infaillibles, et donc bien plus que “théologiquement certains” ou “proches de la foi”, comme le prétend M.

f) Nature du M.O.U.

J’ai déjà démontré, pp. 40-41, que le M.O.U. est l’enseignement de la Hiérarchie de l’Église, c’est-à-dire des Evêques en accord entre eux, unis et soumis au Pontife romain (17). Cette union avec le Pontife fait en sorte qu’ils sont assistés par le Saint-Esprit et sont donc infaillibles. Sans l’union et la soumission, il n’y a ni assistance ni infaillibilité.

M. n’accepte pas la doctrine catholique et il écrit : « L’accord moralement unanime de l’épiscopat sur un point de foi est un propre du Magistère Ordinaire Universel et non son constitutif formel », c’est-à-dire ne lui est pas essentiel. De cette manière, dit-il, on sauve l’indéfectibilité du M.O.U. en cas de crise (54) : d’après M., il peut arriver que l’unanimité des Evêques se trompe en enseignant une vérité. Ainsi dans les temps de crise, le M.O.U. peut ne pas être perceptible. Je réponds encore une fois: les Evêques sans le Pape ne sont pas infaillibles ; unis et soumis au Pape ils sont infaillibles quand ils enseignent une doctrine contenue dans le dépôt. Cette union donc des Evêques et leur soumission au Souverain Pontife est essentielle : je donnerai d’autres preuves à propos du rapport entre Magistère du Pape et Evêques.

Pour M. le M.O.U. ne peut pas donner de définitions définitives irréformables (55). Nous devrons en conclure logiquement qu’il n’est pas infaillible puisque le Conc. Vat. enseigne qu’il faut croire de foi divine et catholique tout ce que le M.O.U. enseigne (DS 3011) et que les théologiens affirment que le Magistère est infaillible quand il s’exprime de manière définitive (56). C’est pourquoi nous disons : si le M.O.U. ne donne pas une définition définitive et irréformable, alors son enseignement n’est pas infaillible ; mais s’il la donne, alors il l’est. On a déjà vu la distinction faite par Vacant sur la possibilité de jure et de facto de ces définitions (p. 44).

g) Déficience du M.O.U.

M. a nié la nature du M.O.U. : il n’est pas le Magistère infaillible, il ne mérite pas d’être cru de foi, en temps de crise il n’est pas perceptible. M. maintenant assène ses coups contre ce Magistère. “Le Magistère Ordinaire et Universel peut se trouver complètement obscur voire apparemment pencher vers l’hérésie” (57) ; “non seulement il peut être obscur, mais il peut paraître indiquer une fausse direction” (58). L’argument du “Magistère obscur” n’est pas nouveau, mais avait déjà été soutenu par les libéraux durant et après le Conc. Vat., pour ne pas accepter ou pour diminuer l’infaillibilité du Magistère ex cathedra du Pape (59).

Pour expliquer l’obscurité du M.O.U., M. donne comme exemple le cas de l’hérésie arienne : le Concile de Nicée, dit-il, ne régla pas “toutes les questions connexes”, “il ne donnait pas de réponse à plusieurs raisonnements des ariens et l’hérésie ne cessa pas” (60). L’énormité de cet exemple saute aux yeux : en effet quand l’Église définit une doctrine explicitement, implicitement elle répond à toutes les questions connexes. Comme tous les hérétiques, les ariens s’accrochaient aux “questions connexes” pour ne pas se soumettre à la définition du Concile. Le Concile de Trente lui-même n’a pas pu traiter toutes les objections du protestantisme, et l’hérésie ne cessa pas ; St Pie X condamna le modernisme, et nous savons bien qu’il ne cessa pas. Le Conc. Vat. a condamné le gallicanisme, et pourtant il n’a pas cessé (et comment ! ). Faute du Magistère, ou des hérétiques qui ne l’acceptèrent pas ? Peut-être M. croit-il, comme Jean-Paul II, que l’Église est coupable des hérésies et des schismes ? Ou bien pense-t-il que l’hérésie est due seulement à une erreur de l’intelligence et non de la volonté ?

M. donne un autre exemple d’obscurité du M.O.U. : durant le Grand Schisme d’Occident, dit-il, on ne savait pas qui était le Pape et le M.O.U. sur ce point si important « est resté obscur pendant 50 ans » (61). Nous répondons que la question du Grand Schisme n’était pas une question de Magistère, mais surtout de Juridiction : savoir qui était le vrai Pape. En outre durant le Grand Schisme les Evêques étaient divisés entre eux, ils n’étaient pas unis et il manquait donc une des conditions essentielles à l’existence du M.O.U., l’union des Evêques entre eux.

h) Réduction du M.O.U. à la Tradition

Venons-en maintenant à découvrir quelle est l’idée de M. sur le M.O.U. Il réduit le motif de l’infaillibilité du M.O.U. à l’argument apologétique de la Tradition. J’explique avec un exemple : si l’Église catholique et l’Église orientale schismatique disent la même chose sur une doctrine (par ex. que la Confirmation est un Sacrement), on conclut de leur accord que cette affirmation doit être vraie et provient de la Tradition Apostolique. L’accord sur un point de doctrine de la part des deux Églises séparées peut provenir seulement du fait que cette doctrine était crue avant leur séparation et remonte donc aux Apôtres. M. cite St Augustin et Tertullien, qui parlent de l’accord entre les Églises primitives : si le même enseignement se trouve dans les différentes Églises, c’est le signe qu’il provient de la Tradition apostolique. Parallèlement en philosophie on démontre que si tout le genre humain considère comme vraie une opinion, elle doit être réellement vraie : en effet “une opinion admise en tous temps et en tous lieux a nécessairement une cause unique”, la raison humaine, laquelle de sa nature adhère à la vérité (62). Pour ce motif M. donne beaucoup d’importance au fait que le M.O.U. doit être un enseignement des Evêques “dispersés” dans le monde : « c’est précisément parce qu’il est dispersé que son enseignement (moralement) unanime est un témoin sûr de la prédication apostolique » (63). Si les Evêques dispersés dans le monde entier enseignent tous la même chose, cette doctrine ne peut avoir d’autre origine que l’enseignement des Apôtres.

Mais la Tradition n’a rien à voir avec l’infaillibilité de jure du corps épiscopal uni : il s’agit de deux choses spécifiquement distinctes. Dans la Tradition, nous découvrons l’origine apostolique d’une doctrine par les témoignages répétés en plusieurs lieux ; dans l’infaillibilité, nous apprenons qu’une doctrine est révélée par la sentence actuelle infaillible de l’autorité de l’Église, assistée par le Saint-Esprit dans sa déclaration.

M. admet que le M.O.U. peut être infaillible à l’instant où il se prononce : mais immédiatement il se contredit en affirmant que pour être sûr de cette infaillibilité il faut que ce Magistère soit « constant sur un certain laps de temps » (64), « constant… sur plusieurs générations » (65). Il n’est donc plus infaillible de lui-même : encore une fois, il contredit la définition du Conc. Vat. (DS 3011), en ajoutant une condition que le Concile ne donne pas. (Sur la “longue période”, voir ci-dessous le paragraphe sur l’extension de l’infaillibilité du Pape).

La position de M. reproduit une erreur répandue: le M.O.U. serait infaillible quand il enseigne des vérités qui ont été crues toujours et partout, selon une thèse faussement attribuée à St Vincent de Lérins. M. dit : « Ce qu’il nous faut chercher avidement et suivre, comme règle de notre foi, c’est le consentement immémorial et unanime des saints Pères », c’est-à-dire celui qui a été enseigné toujours et partout dans l’Église (« semper et ubique ») (66). Sodalitium a déjà répondu à cette erreur (67). Je rappelle que le canon de St Vincent sert pour reconnaître la règle éloignée ou objective de la foi (la Tradition) et non la règle prochaine ou directive (le Magistère infaillible). Je reprends les mots du Cardinal Franzelin durant le Conc. Vat. :

On interpréterait le canon contre l’esprit de l’auteur si on le rapportait à ce qu’on appelle la norme directive infaillible dans l’Église catholique. En effet, pour le Lérinien, il concerne la norme objective (c’est-à-dire la divine tradition), comme le montre le contexte ; et ainsi, le canon proposé contient un critère pour reconnaître la « tradition de l’Église catholique » par laquelle, « en union avec l’autorité de loi divine, la foi divine est défendue ». C’est une tout autre affaire de savoir si ledit canon contient une condition nécessaire pour qu’une doctrine puisse être infailliblement définie par le Magistère de l’Église catholique. Cela, Vincent ne l’a pas enseigné, il a même signifié le contraire… On détourne le canon lérinien de son vrai sens si, en son nom, on réclame le consentement universel ou l’unanimité de tous les évêques pour qu’une doctrine puisse être définie comme dogme de foi par le Magistère de l’Église en qui se trouve la norme directive de la foi. On pervertit ce canon lérinien en y cherchant à la fois la norme objective et la norme directive, comme si l’unique norme infaillible de la Foi catholique se trouvait dans l’accord constant et universel de l’Église; alors, en matière de foi, seul ce qui aurait été cru par un accord constant serait absolument certain et infaillible, et personne ne pourrait croire quoi que ce soit, de cette foi divine qui est absolument et infailliblement certaine, sans qu’il voie lui-même cet accord constant et universel de l’Église (68).

La conclusion logique de la confusion de M. est la suivante: si le M.O.U. enseigne seulement ce qui est prêché partout « sur une longue période », quand il y a une controverse ce Magistère sera divergeant et obscur (69). Je renvoie les lecteurs à ce que j’ai déjà dit au point h) de ce paragraphe. M. ne se rend pas compte qu’il parle d’un cas où les termes se contredisent : s’il y a divergence alors il n’y a pas union et il n’y a pas non plus M.O.U. Quand au contraire il y a le M.O.U., alors il n’y a plus divergence.

Conclusion. Terminons avec les paroles de Zapelena (70) :

Le collège épiscopal succédant au collège apostolique, il est infaillible en proposant une doctrine révélée ou liée à la Révélation… Or ce collège ne se trouve pas moins dans le magistère ordinaire ou dispersé des évêques, que dans leur magistère extraordinaire ou solennel. Donc les évêques ne sont pas moins infaillibles lorsqu’ils enseignent de manière concordante par leur magistère ordinaire que lorsqu’ils exercent leur magistère extraordinaire ou solennel. Et vraiment, l’assistance et les promesses du Christ ne sont nullement limitées à l’exercice du magistère solennel et extraordinaire; bien plus, elles regardent plutôt le magistère ordinaire et quotidien des évêques : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Matth. XXVIII, 20).

Le Pape

À propos du Souverain Pontife on dirait que l’abbé M. ne croit ni à l’infaillibilité du Magistère ordinaire du Pape ni qu’il est la Règle prochaine de la foi ; en conséquence le rapport entre le Magistère du Pape et le Magistère des Evêques est faussé.

a) L’infaillibilité du Magistère Ordinaire du Pape

M. nie explicitement l’infaillibilité du Magistère Ordinaire du Pape : « Il faut dire que le Pape n’est pas infailliblement assisté dans son Magistère Ordinaire sur toute l’Église » (71). Son raisonnement est simple : le Conc. Vat. dans la célèbre définition (rapportée p. 42, DS 3011) affirme que l’Église est infaillible avec le Magistère solennel ou avec le Magistère ordinaire et universel, et donc, conclut-il, « il n’existe pas d’autres actes du Magistère infaillible dans l’Église » (72). M. se trompe. Tout d’abord parce que dans ce point « l’intention de la députation de la foi n’a nullement été de toucher la question de l’infaillibilité du Souverain Pontife, directement ou indirectement » (73), précisait Mgr Martin le 31 mars 1870 aux Pères Conciliaires. M. connaît ce discours étant donné qu’il en cite une partie, mais se tait sur cette phrase. Comment cela se fait-il ?

Par ailleurs nier l’infaillibilité du Pape dans son Magistère ordinaire est grave, étant donné qu’il s’agit d’une conclusion théologique certaine (74), enseignée qui plus est par le Magistère de l’Église.

Le Conc. Vat. a défini que le Souverain Pontife « jouit de cette infaillibilité dont le Divin Rédempteur veut que son Église soit pourvue » (DS 3074) ; c’est par cette déclaration que furent condamnés les gallicans, pour qui « le Pape est inférieur à l’Église dans les questions de la foi » (75) ; le Pape n’est donc en aucune manière inférieur à l’Église. Or l’Église a été dotée du mode extraordinaire et ordinaire d’infaillibilité (DS 3011). Le Pape peut donc également exercer son infaillibilité avec un double mode.

Le Souverain Pontife a dans l’Église « toute la plénitude du pouvoir suprême » (DS 3064) : il doit par conséquent avoir aussi tous les modes d’exercice de ce pouvoir suprême. Or le pouvoir suprême d’infaillibilité est donné à l’Église avec un double mode, extraordinaire et ordinaire. Donc le Souverain Pontife a le pouvoir d’infaillibilité même de manière ordinaire, autrement il faudrait conclure que le suprême pouvoir d’infaillibilité, au moins de la manière dont il est exercé serait plus restreint dans le Pape que dans l’Église. Cela ne peut pas être, étant donné que le Pape a toute la plénitude du pouvoir suprême sans aucune limitation.

Le Souverain Pontife a le triple pouvoir de gouverner, enseigner, sanctifier. Si son enseignement était infaillible seulement quand il définit solennellement, ce serait alors très rare; de nombreux Pontifes ne l’auraient jamais utilisé, n’auraient jamais exercé le rôle de “confirmer les frères” et les fidèles n’auraient eu aucun enseignement certain du Chef de l’Église, du Vicaire du Christ. Ceci répugne à la structure de l’Église et aux promesses de Notre-Seigneur à St Pierre. Durant le Conc. Vat., Mgr Gasser répondait ainsi à celui qui soutenait que le Pontife, en donnant des définitions, devait observer une certaine forme :

Ceci ne peut être fait, car il ne s’agit pas d’une chose nouvelle. Déjà des milliers et des milliers de sentences dogmatiques furent promulguées par le Siège apostolique ; mais où est donc le canon qui prescrit la forme à observer dans ces sentences ? (76).

;

Pie XI :

Le Magistère de l’Église, établi ici-bas d’après le dessein de Dieu pour garder perpétuellement intact le dépôt des vérités révélées et en assurer la connaissance des hommes, s’exerce chaque jour par le Pontife romain et les Evêques en communion avec lui ; mais il comporte encore toutes les fois qu’il est nécessaire pour s’opposer plus efficacement aux erreurs et aux attaques des hérétiques ou développer avec plus de clarté ou de détails certains points de la doctrine sacrée, afin de les faire mieux pénétrer dans l’esprit des fidèles, la mission (munus) de procéder par décrets à des définitions opportunes et solennelles (77).

On déduit de ce texte que le Magistère est unique, avec deux modes d’expression.

Pie XII :

Il ne faut pas estimer non plus que ce qui est proposé dans les Encycliques ne demande pas de soi l’assentiment puisque les Papes n’y exercent pas le pouvoir suprême de leur Magistère. A ce qui est enseigné par le Magistère ordinaire, s’applique aussi la parole : « Qui vous écoute, m’écoute » (Lc X, 16) ; et la plupart du temps ce qui est exposé dans les Encycliques appartient déjà d’autre part à la doctrine catholique. Si les Papes portent expressément dans leurs actes un jugement sur une matière qui était jusque-là controversée, tout le monde comprend que cette matière dans la pensée et la volonté des Souverains Pontifes n’est plus désormais à considérer comme question libre entre les théologiens (78).

Pie XII encore :

Le Magistère… n’est-il pas la première charge de Notre Siège Apostolique ? (…) Sur la Chaire de Pierre, Nous prenons place uniquement comme Vicaire du Christ, Nous sommes son Représentant sur terre ; Nous sommes l’organe par l’intermédiaire duquel fait entendre sa voix Celui qui est le seul Maître de tous (Ecce dedi verba mea in ore tuo, Jér. I, 9) (79).

C’est précisément avec le Magistère Ordinaire que Léon XIII a tranché sur la validité des ordinations anglicanes, Pie XII sur l’usage des soi-disant “méthodes naturelles” (80) et sur la matière et la forme du Sacrement de l’Ordre.

b) Le Pape est Règle prochaine de la foi

C’est une vérité enseignée par le Magistère de l’Église et par l’unanimité des théologiens. Nous renvoyons les lecteurs à l’article paru dans ce même numéro de Sodalitium (81). C’est aussi une conclusion logique de l’infaillibilité du Magistère Ordinaire du Pape : si de jure il ne peut pas se tromper, tous – Evêques et fidèles – doivent embrasser la doctrine qu’il enseigne.

M. affirme que « le Pape n’est règle vivante de la foi que dans l’exercice de son magistère extraordinaire » (82) et non de son magistère ordinaire auquel cas « cela signifierait, dit-il, que le dépôt de la foi se trouve dans le magistère du Pape vivant. Ce qui est proche de l’hérésie » (83). Or une chose est le dépôt de la Foi, une autre la Règle qui permet de discerner ce qui est contenu et ce qui s’oppose à ce dépôt. Parmi les actes du Magistère que nous avons déjà vus, nous lisons dans le Catéchisme de St Pie X :

C’est dans cette obéissance à la suprême autorité de l’Église et du Souverain Pontife, autorité qui nous propose les vérités de la foi, nous impose les lois de l’Église et nous commande tout ce qui est nécessaire à son bon gouvernement, c’est dans cette autorité que se trouve la règle de notre foi
(84).

Si la règle de la Foi se trouve même dans la discipline que le Souverain Pontife nous impose, à plus forte raison elle se trouve dans son Magistère Ordinaire. N’ayant pas compris cela, M. fausse, outre la pensée de Vacant, également celle de dom Gréa : « Pour lui, dit M., le dépôt de la foi est toujours dans le Magistère Ordinaire du Pontife romain qui le communique sans cesse au corps épiscopal… Cette thèse est rejetée par Vacant » (85). Dom Gréa au contraire affirme que le Pape nous enseigne quelles sont les vérités révélées par Notre-Seigneur et que les Evêques reçoivent son enseignement pour le transmettre aux fidèles :

Comment pouvons-nous dire que Jésus-Christ parlera dans l’Église? (…) Il y a pourvu par l’institution d’un Vicaire qui est son organe permanent, le gardien et le prédicateur infaillible de sa parole, et “autour duquel” (86) tous les évêques s’assemblent, s’unissant à lui et recevant de lui de former avec lui et par lui un seul et unique magistère de l’Église universelle (87).

Dom Gréa parle donc de Magistère et non de dépôt de la Foi. Concernant Vacant, nous avons vu que M. ne montre pas objectivement sa pensée (p. 39).

c) Rapport entre Magistère du Pape et Magistère des Evêques

M. soutient que le Pape jouit seulement d’une assistance plus grande que celle des Evêques (88). Je réponds : entre le Pape et les Evêques existe une distinction essentielle et non de degré, le Pape a en effet une assistance unique de la part du Saint-Esprit que les Evêques, considérés individuellement, n’ont pas.

Pour M. le Magistère Ordinaire du Pape et le M.O.U. ne sont pas sur le même pied : « Il est faux de mettre sur le même pied, comme fait dom Nau, le Magistère Ordinaire Pontifical adressé à toute l’Église et le Magistère Ordinaire Universel » (89). Je réponds que ces deux Magistères sont infaillibles. La distinction consiste seulement en ceci : l’infaillibilité du M.O.U. a été définie solennellement, celle du Pape est une conclusion théologique certaine.

Pour M. la théologie romaine a commis une erreur : considérer que le Magistère des Evêques est un reflet du Magistère romain (90). « Les Evêques sont… l’écho de la doctrine apostolique, pas de la doctrine romaine » (91). Tout d’abord M se contredit, puisqu’il affirme lui-même que l’obscurcissement du M.O.U. (chose pour lui possible) est causée par la « défaillance du Siège de Pierre » (92). Nous avons vu en outre, à propos de la Règle de la foi, que même les Evêques sont instruits par le Pape qui a la fonction de les confirmer dans la Foi. De même que St Pierre était le Chef des Apôtres, le Souverain Pontife est le chef des Evêques. M. reconnaît que le Pape a le pouvoir de “juridiction universelle”, mais de manière inexplicable il ne lui reconnaît pas le Primat dans la “fonction doctrinale”, la potestas docendi : une telle manière de voir les choses serait, dit-il, dangereuse, parce qu’elle « amène à voir dans le Souverain Pontificat avant tout une fonction doctrinale » (93).

Léon XIII enseigne le contraire :

C’est au Saint-Siège, avant tout et aussi, sous sa dépendance, aux autres pasteurs établis par l’Esprit-Saint pour gouverner l’Église de Dieu, qu’appartient de droit le ministère doctrinal. La part des simples fidèles se réduit ici à un seul devoir : accepter les enseignements qui leur sont donnés, y conformer leur conduite et seconder les intentions de l’Église (94).

Le Conc. Vat. a défini :

Nous enseignons donc et nous déclarons que (…) ce pouvoir de juridiction du Pontife romain, pouvoir vraiment épiscopal, est immédiat : que les pasteurs et les fidèles, chacun et tous, quels que soient leur rite et leur dignité, lui sont assujettis par le devoir de la subordination hiérarchique et d’une vraie obéissance, non seulement dans les choses qui concernent la foi et les mœurs, mais aussi dans celles qui appartiennent à la discipline et au gouvernement de l’Église répandue dans tout l’univers. Ainsi, en gardant l’unité de communion et de profession d’une même foi avec le Pontife romain, l’Église du Christ est un seul troupeau sous un seul Pasteur suprême (Jn X, 16). Tel est l’enseignement de la foi catholique dont nul ne peut dévier sans perdre la foi et le salut (95).

Nous avons vu à propos de la note théologique du M.O.U., que Mgr d’Avanzo enseignait :

C’est pourquoi, de même que l’Esprit-Saint, l’esprit de vérité, demeure dans l’Église tous les jours ; de même tous les jours l’Église enseigne les vérités de foi avec l’assistance du Saint-Esprit. Elle enseigne toutes ces choses qui sont soit déjà définies, soit contenues explicitement dans le trésor de la révélation mais non définies, soit enfin qui sont crues implicitement : toutes ces vérités, l’Église les enseigne quotidiennement, tant par le pape principalement que par chacun des évêques adhérant au pape. Tous, et le pape et les évêques, sont infaillibles dans ce magistère ordinaire, de l’infaillibilité même de l’Église : ils diffèrent seulement en ceci que les évêques ne sont pas infaillibles par eux-mêmes, mais ont besoin de la communion avec le pape, par qui ils sont confirmés ; le pape, lui, n’a besoin que de l’assistance du Saint-Esprit à lui promise (…) (40).

d) Extension de l’infaillibilité

M. soutient que l’assistance au Pape varie selon les personnes à qui il s’adresse : « Elle est certainement de moins en moins grande quand il s’adresse à l’Église universelle, à une nation, aux baptisés du diocèse de Rome, ou à un groupe de pèlerins » (96). Ceci est faux : peu importe à qui s’adresse le Pape, si la doctrine qu’il enseigne vaut pour toute l’Église, elle est infaillible. D’autre part il n’y a pas de “degrés” dans l’assistance du Saint-Esprit : ou elle y est et alors elle préserve de l’erreur, ou elle n’y est pas. En outre, M. se contredit lui-même : il affirme en effet – ce qui est la vérité – qu’une lettre du Souverain Pontife, même si elle est adressée à un Patriarche, concerne de fait l’Église universelle et constitue donc le Magistère Ordinaire Pontifical (97). Grégoire XVI, s’adressant à l’Evêque de Fribourg, enseigne :

[Ce que nous venons de dire] est conforme aux enseignements et avertissements que vous savez déjà formulés, vénérable Frère, soit dans Nos Lettres ou Instructions aux divers archevêques et évêques, soit dans celles de Notre prédécesseur Pie VIII, édictées par ses ordres ou par les Nôtres. Il importe peu que ces Instructions aient été données seulement à quelques évêques qui avaient consulté le Siège Apostolique, comme si la liberté était accordée aux autres de ne pas suivre cette décision! (98).

De cette manière Pie XII a défini une question de morale, dans un discours adressé aux sages-femmes (80).

Une autre erreur de M. consiste à considérer qu’ « un acte magistériel isolé du Pape » n’est pas infaillible : il faut que cet enseignement soit constant, de « longue durée » (99). J’ai déjà répondu à cette théorie : M. réduit l’infaillibilité du M.O.U. à l’argument apologétique de la Tradition (pp. 45-47). L’absurdité de cette affirmation est évidente : quand St Pie X condamna les modernistes, s’agissant d’un document “isolé” (le premier) il aurait été permis de douter de son infaillibilité ! Il en fut ainsi lorsque Pie XII condamna la “nouvelle théologie” dans Humani Generis, ou lorsque Léon XIII définit l’invalidité des ordinations anglicanes ! Je réponds avec St Augustin : « Roma locuta, causa finita » (100).

e) “Erreurs” des Souverains Pontifes

Dans l’enseignement du Pape il peut y avoir une erreur matérielle, qui n’a aucune influence sur la foi ou sur la morale. Il peut y avoir en outre des choses plus ou moins opportunes, selon la prudentialité de l’acte : dans ce cas il ne nous appartient pas de juger, ce sera ensuite aux Papes suivants à décider éventuellement de manière différente. Mais il ne peut jamais y avoir dans l’enseignement du Pape quelque chose de nuisible à la foi ou à la morale.

M. au contraire après avoir amoindri l’infaillibilité du Magistère Ordinaire du Pape finit par la nier, comme il l’a d’abord fait pour le M.O.U. « Des papes, dit-il, peuvent donner un magistère imprudent, dangereux pour la foi ou erroné » (101), une Encyclique peut être « gravement nuisible au bien de l’Église » (102). Je ne reviens pas sur le mot “imprudent”. Mais M. n’a pas le droit d’affirmer le reste, s’il veut être catholique. En effet l’Église a condamné les mêmes expressions, utilisées par le Concile de Pistoie, d’après lequel dans la discipline de l’Église il peut y avoir quelque chose de “dangereux ou nuisible” (103). Or même si dans la discipline il ne peut pas se produire une chose de ce genre, a fortiori dans l’enseignement du Pape ! C’est de cette manière encore que l’Église a revendiqué l’infaillibilité dans les décrets liturgiques (104), qui sont moins importants que les décrets doctrinaux du Souverain Pontife. M. affirme carrément qu’« il est arrivé effectivement » que l’Église romaine ait enseigné « une erreur » et ait prescrit « un mal » (105), et il contredit ainsi l’enseignement du Conc. Vat.:

(…) Ce Siège de St Pierre reste toujours exempt de toute erreur, selon la divine promesse du Seigneur notre Sauveur… Le don de la vérité et de la foi, qui ne faillit jamais, a donc été divinement accordé à Pierre et à ses successeurs dans cette Chaire, afin que, ils s’acquitassent de leur charge éminente, pour le salut de tous, afin que tout le troupeau du Christ, éloigné par eux du pâturage empoisonné de l’erreur, fût nourri du pain de la doctrine céleste, afin que, par la suppression de toute occasion de schisme, l’Église fût conservée tout entière dans l’unité, et que, appuyée sur son fondement, elle se maintînt inébranlable contre les portes de l’enfer (106).

Léon XIII, Satis Cognitum :

… Jésus-Christ a institué dans l’Église un magistère vivant, authentique et, de plus, perpétuel, qu’Il a investi de sa propre autorité, revêtu de l’esprit de vérité, confirmé par des miracles, et il a voulu et très sévèrement ordonné que les enseignements doctrinaux de ce magistère fussent reçus comme les siens propres. Toutes les fois donc que la parole de ce magistère déclare que telle ou telle vérité fait partie de l’ensemble de la doctrine divinement révélée, chacun doit croire avec certitude que cela est vrai ; car si cela pouvait en quelque manière être faux, il s’ensuivrait, ce qui est évidemment absurde, que Dieu lui-même serait l’auteur de l’erreur des hommes… Les Pères du Concile du Vatican n’ont donc rien édicté de nouveau, mais ils n’ont fait que se conformer à l’institution divine, à l’antique et constante doctrine de l’Église et à la nature même de la foi, quand ils ont formulé ce décret : « On doit croire de foi divine et catholique… » [suit la citation du Ch. 3 de Dei Filius, DS 3011, n.d.a.] (107).

Il est évident que Léon XIII donne ici une interprétation authentique de la définition conciliaire.

J’en viens maintenant à la liste des “erreurs” qui, d’après M. auraient été commises par les Papes (108). Remarquons tout de suite que la possibilité d’“error facti” de la part du Souverain Pontife, au dire du DTC fut soutenue par les jansénistes, les gallicans et les anti-infaillibilistes au Conc. Vat. (109). Ce sont les prédécesseurs de M. ! M. soutient avoir pris de nombreux exemples chez Journet (110) : prendre Journet comme guide dans ces matières c’est prendre un très mauvais guide. Journet en effet a introduit dans la théologie la mentalité libérale de Maritain et de Paul VI qui lui donna d’ailleurs le chapeau de cardinal.

Quant au fait qu’Honorius aurait excommunié St Sophrone (108), nous avons vu que c’est faux (dans le paragraphe sur les approximations et falsifications).

Saint Pierre, « poussé par des motifs humains, donne l’exemple contraire à ce qu’il avait lui-même prescrit » , dit M. (111). Mais il s’agit de comportement et non d’enseignement de St Pierre !

Jean XII accorda à Photius d’être en communion avec lui : M. lui-même admet que le Pape fut trompé (108). M. donne cet exemple pour prouver que le Pape peut se tromper lorsqu’il concède à un évêque la communion : mais cet acte n’appartient pas au magistère. M. se sert de ce cas pour aborder la question d’une excommunication promulguée par le Pape de façon injuste (112). Il faut considérer que même en ces cas, rares, tous les fidèles doivent croire que l’excommunication est juste (DS 1272) et l’excommunié doit se soumettre tant intérieurement qu’extérieurement (CJC can. 2219 §2).

Athanase et le Pape Libère dans la crise arienne : M., qui cite cet épisode 7 fois, accuse le Pape Libère d’avoir été favorable aux ariens. C’est complètement faux. Libère fut accusé, par des non catholiques, d’avoir signé une profession de foi arienne ou philo-arienne. Je réponds à cette accusation :

  1. il n’est pas certain que le Pape Libère ait signé quelque chose ;
  2. s’il a signé, on ne sait pas quel document ;
  3. quelque chose que Libère ait signé, s’il l’a fait, il l’aurait fait alors qu’il était en exil prisonnier de l’empereur : or un document extorqué en prison n’a aucune valeur ;
  4. Libère, avant et après son exil, a combattu l’arianisme (c’est pourquoi il fut envoyé en exil), et a toujours professé la foi intègre.

M. dit encore que « pendant 30 ans il y eut une quasi-unanimité morale de l’Episcopat en faveur de l’hérésie… confirmée par le silence (sinon par la complicité) de Libère » (113) : ce qui est historiquement faux, puisque de nombreux Evêques, tels St Hilaire et St Eusèbe furent contre les ariens, tout comme Libère, que Mgr Benigni appelle « le second Athanase ».

La condamnation de Galilée : M. lui-même sait que cette condamnation fut approuvée seulement in forma communi, ce fut donc l’acte d’une Congrégation et non du Magistère Pontifical (108). Dans ce cas aussi, comme pour tous les enseignements de l’Église – explique Salaverri – les catholiques devaient adhérer “corde et ore(114). Même s’il y avait une erreur matérielle, il fallait se soumettre, puisque c’était un enseignement “sûr”. Cette adhésion non seulement ne comportait aucune erreur contre la foi et la morale, mais était nécessaire :

Il y eut dans ces moments la nécessité, dit Salaverri, de préserver les fidèles du grave danger de douter de l’inerrance de l’Ecriture, avec laquelle on ne voyait pas comment pouvoir concilier les opinions de Galilée, alors débattues âprement. Il fallait que les fidèles donnassent leur assentiment moralement certain au décret, considéré en ce sens qui est le sens vrai et strict ; cet assentiment était relatif et conditionné, c’est-à-dire qu’il devait durer jusqu’à ce que les progrès de la science aient montré que le danger contre la foi concernant l’Ecriture Sainte ait disparu (115).

Journet qui ne soutient pas la même position que Salaverri, affirme également la nécessité d’accepter et de se soumettre au décret de la Congrégation (116). On ne voit donc pas comment M. peut dire qu’il s’agit d’erreur du Magistère Pontifical, et comment on peut refuser la soumission aux décrets des Congrégations.

La suppression des Jésuites par Clément XIV (108): l’approbation d’un Ordre religieux porte sur son but, sa règle, ses lois, dans leur rapport avec la doctrine catholique ; l’infaillibilité ne concerne pas le jugement prudentiel, c’est-à-dire si cette approbation ou éventuelle suppression (comme celle des Jésuites) est opportune ou prudente (117). Tous se soumirent à l’ordre du Pape ; St Alphonse lui-même soutint la nécessité de la soumission.

Nicolas Ier interdit la torture et Innocent IV (et non Innocent V, comme dit M.) la permit dans le code inquisitorial (108). Je réponds que tous deux avaient raison : Nicolas Ier interdit la torture faite sans discernement, Innocent IV la permit avec des limites. On ne comprend pas comment M. a pu suivre un auteur libéral comme Journet qui attaque plusieurs Papes – parmi lesquels St Pie V ! (118) – pour les dénigrer.

L’encyclique “Au milieu des sollicitudes” de Léon XIII : « semble orthodoxe… de fait fut gravement nuisible au bien de l’Église » (119). Nous avons déjà vu au début de ce paragraphe que la présence de quelque chose de dangereux, nuisible, erroné dans les actes pontificaux n’est pas possible. Mais M. affirme des choses bien pires sur cette Encyclique (120).

  1. « On peut se poser la question de savoir, dit M., si un tel texte ne contient pas implicitement la déclaration sur la liberté religieuse ». Ici M. est en pleine absurdité. Tant par le contexte : Léon XIII a combattu fortement contre le libéralisme (penser à l’Encyclique Libertas). Tant parce qu’avec cette accusation M. se donne des verges pour se faire battre : de cette manière le Concile Vatican II serait “traditionnel” en répétant l’enseignement d’un Pape préconciliaire. La preuve que le “Cardinal” Seper et les postconciliaires ont cherchée sans succès (121), maintenant c’est M. qui la donne !
  2. M. insulte le Pape : « Le texte de Léon XIII signifie en gros : sauvez le coffre-fort et sacrifiez le tabernacle »; il aurait eu de « l’indolence » en condamnant de graves hérésies. « Sous Léon XIII, la science théologique, la piété, la fidélité au Saint-Siège ne valaient rien si on avait l’étiquette “réfractaire” ». « Le culte de la personnalité inouï… entoura ce Pape ». Entendre dire cela par un prêtre catholique !
  3. M. affirme que durant ce Pontificat il y eut « une “opacification” de l’Église : elle ne laisse plus voir Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Si l’Église ne laisse plus voir Jésus-Christ, cela veut dire que ce n’est plus la vraie Église ! La même expression a été utilisée par Karol Wojtyla dans “Tertio Millennio adveniente” : l’opposition à l’Église Catholique les trouve d’accord.

A cause d’expressions injurieuses contre le Pape Léon XIII, St Pie X, tout en estimant l’abbé Barbier, fit mettre à l’Index une de ses œuvres. Les expressions de M., qui révèlent une faute du même genre, mériteraient une peine semblable, et même plus…

Je réponds enfin brièvement au problème. Léon XIII n’affirme pas dans l’Encyclique Au milieu des sollicitudes qu’en France le pouvoir est légitime. Il affirme seulement deux choses : d’une part, l’unité des catholiques, de l’autre, le devoir des catholiques d’être soumis au pouvoir constitué, si l’exigence du bien commun le demande (une révolte aurait causé de plus grands maux). Je reprends pour conclure ce qu’écrit M. l’abbé Belmont à ce sujet :

La critique de l’enseignement de Léon XIII, qui est devenue une sorte de mode, ressemble trop au libre examen pour que nous puissions l’accepter ou même simplement l’envisager… Elle est, par ailleurs, fort injuste et détruit l’autorité du magistère pontifical. Ceux qui, depuis longtemps, minimisent cette autorité ne font que semer l’ivraie dans le champ du Père de famille, et entretiennent un état d’esprit destructeur qui n’épargnera rien (122).

Une autre erreur citée par M. est « l’excommunication injuste fulminée par Pie XI contre les tenants de l’Action Française » (108). Nous ne pouvons faire une étude particulière sur l’Action Française (A. F.) ou sur son fondateur et chef Charles Maurras, qui malheureusement était athée. Notons seulement que, même en soutenant beaucoup de choses justes, l’A. F. était animée par des principes naturalistes. M. ne s’occupe pas de cela et de plus ignore peut-être que le Saint-Office avait préparé la condamnation le 29/1/1914, et qu’elle avait été approuvée par le Pape alors régnant, St Pie X, qui préféra ne pas la publier à ce moment-là pour des raisons d’opportunité. On peut donc discuter sur l’opportunité de cette condamnation, mais non sur le fait, admis aussi par St Pie X, que plusieurs thèses de Maurras étaient condamnables. M. réussira-t-il à croire que précisément le saint patron de la Fraternité à laquelle il appartient n’aurait pas fait d’objection à condamner l’A. F. ? Il devrait méditer sur cette phrase de Pie XI :

Pie X était trop anti-moderniste pour ne pas condamner cette particulière espèce de modernisme politique, doctrinaire et pratique, auquel Nous avons affaire (123).

Encore une erreur : une lettre de Pie XI aux Evêques de France, dans laquelle le Pape leur aurait interdit « de prescrire aux catholiques de ne pas voter pour un candidat soutenant la laïcité » (124). J’ai cherché en vain cette lettre dans les Acta Apostolicæ Sedis de 1924 : encore une fois, la citation est fausse. Je n’ai donc pas pu lire le texte du Pape : mais je peux dire que plusieurs fois l’Église a affirmé que dans des circonstances déterminées, pour éviter un plus grand mal, il n’est pas toujours moralement illicite de voter pour un non catholique, s’il garantit d’agir sans causer de tort à l’Église Catholique. St Pie X, avec le Pacte Gentiloni, permit exactement cela aux catholiques italiens pour contrecarrer le socialisme : voter pour un député libéral, qui garantissait sérieusement de ne pas légiférer contre la religion catholique. M. serait-il plus catholique que St Pie X ?

f) Offenses

La hiérarchie de l’Église, est définie par M. « clan au pouvoir » (125) : pour autant que l’intention de M. puisse être ironique, l’expression n’en est pas moins offensante.

M. oppose la thèse selon laquelle « qui obéit au Pape a toujours raison » (126) ; sa manière de s’exprimer est au moins malsonnante. Pour d’autres expressions offensantes, voir le point précédent.

Indéfectibilité de l’Église

L’Église Catholique est indéfectible, suivant la promesse de Notre-Seigneur faite à St Pierre :

Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. (Matth. XVI, 18)

Puisque l’Église catholique a été instituée par Dieu, elle ne peut jamais défaillir, elle est, disait St Pie X,

immortelle de sa nature ; jamais le lien qui l’unit à son céleste Epoux ne doit se rompre (127).

M. nie pratiquement le dogme de l’indéfectibilité : pour lui, l’Église est « quasi » indéfectible, souvent… mais pas toujours ! Il estime qu’une « défaillance de l’Église romaine » (128) est possible, puisque les promesses faites par Notre-Seigneur valent « en dehors des périodes exceptionnelles de crise grave » (129) ; « les promesses d’indéfectibilité de Notre-Seigneur à son Église ne garantissent qu’une chose : la relative rareté et la relative brièveté de ces crises graves » (130), l’Église à certains moments de l’histoire peut « perdre la vérité » (131). Exemples historiques : la crise arienne où l’Église se serait trompée pendant « 30 ans » (132) ; le « grand schisme d’Occident : 50 ans » (133) ; sous le Pontificat de Léon XIII il y eut « l’“opacification” de l’Église : elle ne laisse plus voir Notre-Seigneur Jésus-Christ » (134) : j’ai déjà examiné ces exemples aux pp. 45 et 50-52. Pour M. la défectibilité concerne aussi bien le M.O.U. que le Pape (135).

Je réponds que si Dieu a institué une religion et l’a pourvue d’un Magistère infaillible, ce dernier doit rester tel, éternellement, sans interruption.

Mais comme, enseigne Léon XIII, l’Église est telle par la volonté et par l’ordre de Dieu, elle doit rester telle sans aucune interruption, jusqu’à la fin des temps, sans quoi elle n’aurait pas été fondée évidemment pour toujours (136).

La Théologie Romaine

Tout le monde sait que l’Église Romaine est la Mère et la Maîtresse de toutes les Églises, et que la théologie fidèle à Rome et à son Evêque est celle qui est la plus proche de la doctrine de l’Église. Mgr Lefebvre, grand défenseur des théologiens romains comme l’école de Solesmes (137), a un descendant qui attaque la théologie romaine. C’est la preuve par neuf que, pour défendre la position de la FSPX, il faut aller contre la bonne Théologie.

M. a attaqué le Pape et son indéfectibilité, il doit logiquement attaquer aussi la Théologie Romaine. « La portée de l’autorité [du Pape] nous paraît souvent exagérée par des théologiens trop soucieux de concentrer toute autorité ecclésiastique dans le Pape » (138). Je réponds, comme je l’ai déjà dit pour le rapport entre le Pape et les Evêques, que le Conc. Vat. a défini que dans l’Église le Pape a l’autorité suprême et monarchique :

Tel est l’enseignement de la foi catholique dont nul ne peut dévier sans perdre la foi et le salut (139).

M. insiste : « Certains théologiens même dignes d’estime » sont tombés dans la tentation et ont commis des erreurs implicites « qui ne sont pas sans conséquences ». « Et ainsi les déclarations de romanité enflammées de Solesmes, dans la ligne de dom Nau, ont abouti à l’infidélité au Christ, puisque – ils ont pensé – qu’il était préférable de risquer d’être contre le Christ avec le pape plutôt que d’être avec le Christ contre le pape » (140). Un protestant ne parlerait pas autrement : pour être fidèle au Christ il faut être contre le pape.

Outre l’école de Solesmes, l’auteur attaque plusieurs fois des théologiens romains tels que dom Nau (141), dom Gréa (142), Billot (143). Au contraire il cite sans aucune réserve des progressistes tels que Von Hildebrand (144), Journet (145), Congar (146), ou un gallican comme Bossuet (147). Que répondre ? Je crois que pour convaincre M., plus que l’autorité du Pape, des Evêques, des théologiens catholiques, peut-être que les paroles du Directeur même de Sì Sì No No, pour qui « le complexe anti-romain [est] propre aux modernistes » ( 148 ) seraient plus efficaces. Ainsi Sì Sì No No fondé par don Putti pour être un journal “antimoderniste” accueille, comme en témoigne implicitement son Directeur, des articles d’une tendance moderniste évidente !

Discipline actuelle

1) L’Evêque phare

Comment se comporter à l’époque actuelle ? M. a une réponse : dans les périodes de crise, l’Episcopat développe « une action particulière » (149) ; « En cas de crise, c’est parfois… un Evêque phare qui sert de référence » (150). Nous savions qu’il y a un unique phare de la vérité, le Pape (P. Vallet). M. nous informe que celui-ci peut s’éteindre, alors que l’autre non : « Momentanément le “ubi pharus ibi Ecclesia” !… phare de l’Église peut être le magistère d’un Evêque prestigieux plutôt que celui du Pape » (151). M. inaugure ainsi une nouvelle théologie que nous pourrions appeler “épiscopalo-maritime”. Mais, ce qui est grave, il inaugure une nouvelle règle de la foi, non plus la règle objective que Notre-Seigneur nous a donnée, le Magistère infaillible de Pierre, mais une règle subjective et faillible : « un Evêque dont l’expérience aura montré qu’il est digne de confiance… et une fois cette confiance accordée : accepter son enseignement » (152). De cette manière M. imite les jansénistes qui préféraient l’autorité d’un Père de l’Église, St Augustin, à celle du Magistère infaillible ; M. préfère l’autorité de l’Evêque phare, choisi pour son expérience. Parmi les Evêques phares du passé M. nous indique Bossuet, qui dut s’éteindre lui aussi quand il soutint les thèses gallicanes (153). Parmi les Evêques phares d’aujourd’hui, M. ne le dit pas, mais il est clair qu’il y a Mgr Lefebvre et les Evêques consacrés par lui en 1988. La sentence “ubi Petrus ibi Ecclesia” ne vaut donc plus, mais est remplacée par “ubi pharus ibi Ecclesia” !

Comme nous l’avons déjà vu dans le paragraphe sur les falsifications, M. fonde sa thèse « sur la fonction extraordinaire de l’Episcopat » falsifiant la pensée de dom Gréa. Dans les périodes de crise, d’après M. les Evêques peuvent agir indépendamment du Pape ; pour dom Gréa au contraire,

les évêques, toujours dépendants en cela comme en toutes les choses du Souverain Pontife et agissant en vertu de sa communion, c’est-à-dire en recevant de lui tout leur pouvoir, utilisent cette faculté pour le salut du peuple (154).

M. fait entendre que les évêques consacrés par Mgr Lefebvre, ainsi que l’Evêque phare, ont une “juridiction suppléée” (155). Je réponds que ces évêques n’ont jamais été ni diocésains ni titulaires, qu’ils n’ont donc pas la “sollicitude de l’Église universelle” ; d’autre part même Mgr Lefebvre n’a jamais eu ni juridiction hors de son diocèse (dont il était privé depuis 1962), ni “magistère”. La juridiction en effet vient du Pape et non des fidèles.

2) La Foi des fidèles est plus sûre que l’enseignement des pasteurs

La doctrine catholique enseigne que l’Église enseignante (Ecclesia docens), formée par le Pape et par les Evêques, est infaillible parce qu’assistée par le Saint-Esprit ; les fidèles (Ecclesia discens) ont une infaillibilité dans l’acte de croire, due à l’enseignement infaillible qu’ils ont reçu. M. renverse cet ordre, et affirme que les fidèles ont une foi infaillible indépendante de leurs Pasteurs. « En période de crise la foi des fidèles peut être un critère plus sûr pour connaître la foi sur un point, que l’enseignement actuel des Pasteurs » (156); il est même plus facile de consulter « la foi de l’“Ecclesia credens” » que l’Ecclesia docens (157).
Comme preuve de son affirmation, M. donne la référence d’une thèse de Franzelin (158). Lisons-la :

A ce magistère perpétuel, indéfectible et infaillible, à cause de la même institution de Jésus-Christ, correspond une perpétuelle “obéissance de la foi” pour les croyants. Donc comme le Saint-Esprit conserve toujours exempte de l’erreur la prédication et le témoignage dans l’unité des pasteurs et des docteurs ; ainsi au moyen de ce même infaillible témoignage des enseignants [Ecclesia docens], il conserve toujours exempte de l’erreur la foi de ceux qui sont enseignés [Ecclesia discens], lesquels par l’obéissance de la foi demeurent dans le consensus et dans la communion avec l’unanimité des pasteurs : le Christ est le Verbe du Père, les Evêques… sont dans la pensée du Christ, les fidèles dans le jugement des Evêques (159).

M. affirme en outre que Franzelin donne plusieurs exemples probants que la foi des fidèles est plus sûre que le consensus des Evêques : au contraire les exemples illustrés par Franzelin à la p. 104 concernent les cas d’Evêques considérés individuellement qui erraient, tandis que les fidèles demeuraient dans la foi. Ce n’est que dans ce sens que la foi des fidèles peut être plus sûre que celle de certains Evêques (même nombreux, mais jamais de tous quand ils sont unis à Pierre) : et ceci seulement pour que ces fidèles croient ce qu’ils ont reçu de l’Église enseignante. Encore une fois M. altère la pensée des auteurs pour les besoins de la cause. Je rapporte à nouveau l’enseignement de Léon XIII :

C’est au Saint-Siège avant tout et aussi, sous sa dépendance, aux autres pasteurs établis par l’Esprit-Saint pour gouverner l’Église de Dieu, qu’appartient de droit le ministère doctrinal. La part des simples fidèles se réduit ici à un seul devoir : accepter les enseignements qui leur sont donnés, y conformer leur conduite et seconder les intentions de l’Église (160).

Conclusion

L’abbé M. pourra objecter que dans certaines phrases que nous lui avons contestées, il a ensuite affirmé la doctrine catholique. Mais, même s’il en est ainsi, il l’a vidée de son sens, parce que dans la réalité il la nie. Les ariens affirmaient eux aussi que “Jésus est Dieu”, mais en réalité ils pensaient qu’il était une créature de Dieu.

M. a changé la notion d’infaillibilité : est infaillible seulement ce qui de fait (et pas de droit) n’erre pas. Il a ensuite substitué, comme critère de la Foi, au Magistère infaillible du Pape et des Evêques la Tradition, interprétée par lui-même, par les fidèles, par un Evêque phare, en somme par un critère subjectif. En cela il se rapproche des thèses des schismatiques “orthodoxes”, pour qui la Tradition est la règle prochaine de la foi (et non la règle éloignée). Il se rapproche aussi des jansénistes, en réfutant le Magistère vivant de l’Église et il se rapproche des gallicans en niant pratiquement l’infaillibilité. M. veut diminuer l’infaillibilité du Pape (légitime) et des Evêques et prouver que l’on peut leur désobéir, pour ensuite nous demander un acte de foi aveugle dans l’“Evêque phare”, dans le chef charismatique, qui de fait ne se trompe jamais.

Nous préférons obéir au Pape, au vrai Pape qui a autorité : nous préférons nous conformer à ses enseignements plutôt qu’à ceux de n’importe qui d’autre.

Le Pape est le gardien du dogme et de la morale ; il est le dépositaire des principes qui rendent vertueuses les familles, grandes les nations, saintes les âmes ; il est le conseil des princes et des peuples ; il est le chef sous lequel nul ne se sent tyrannisé, parce qu’il représente Dieu Lui-même ; il est le père par excellence qui réunit en lui tout ce qu’il peut y avoir d’aimant, de tendre et de divin.

Il semble incroyable, et c’est pourtant une douloureuse réalité, qu’il existe des prêtres auxquels il faille faire cette recommandation ; mais nous sommes pourtant aujourd’hui en cette dure, en cette malheureuse condition de devoir dire à des prêtres : aimez le Pape !

Et comment aimer le Pape ? Non par des paroles seulement, mais par des actes, et avec sincérité. Non verbo neque lingua, sed opere et veritate (I Jn III, 18). Quand on aime quelqu’un, on cherche à se conformer en tout à ses pensées, à exécuter ses volontés et à interpréter ses désirs. Et si Notre-Seigneur Jésus-Christ disait de Lui-même : si quis diligit me, sermonem meum servabit (Jn XIV, 23), ainsi pour montrer notre amour au Pape, il est nécessaire d’obéir.

Et c’est pourquoi, quand on aime le Pape, on ne s’arrête pas à discuter sur ce qu’il commande ou exige, à chercher jusqu’où va le devoir rigoureux de l’obéissance, et à marquer la limite de cette obligation. Quand on aime le Pape, on objecte pas qu’il n’a pas parlé assez clairement, comme s’il était obligé de redire directement à l’oreille de chacun sa volonté, et de l’exprimer non seulement de vive voix, mais chaque fois par des lettres et autres documents publics ; on ne met pas en doute ses ordres, sous le facile prétexte, chez qui ne veut pas obéir, qu’ils n’émanent pas
directement de lui, mais de son entourage ! on ne limite pas le champ où il peut et doit exercer sa volonté ; on n’oppose pas à l’autorité du Pape celle d’autres personnes, si doctes fussent-elles, qui diffèrent d’avis avec le Pape. D’ailleurs, quelle que soit leur science, la sainteté leur fait défaut, car il ne saurait y avoir de sainteté là où il y a dissentiment avec le Pape.

Telles sont les paroles de St Pie X (161). La Fraternité qui porte son nom devrait à plus forte raison méditer, et faire méditer aux chrétiens qui la suivent, ces paroles.


Notes
  1. Année XXII, n° 8, du 15/5/96, pp. 1-7 et n° 9, du 30/5/96, pp. 1-5. ↑ retourner en haut
  2. Actes du IIème Congrès Théologique de Sì Sì No No, Publications du Courrier de Rome, 1996, pp. 255-286.↑ retourner en haut
  3. Sì Sì No No, 15 mai 1996, n° 8, p. 1. ↑ retourner en haut
  4. Cette affirmation est l’une des nombreuses preuves de la superficialité de M. Le dépôt de la foi ne consiste pas dans le M.O.U., mais dans la parole de Dieu écrite ou transmise (Ecriture et Tradition). Le M.O.U., comme le Magistère solennel, est la règle ou critère infaillible pour savoir quelles vérités sont effectivement contenues dans la Révélation (voir D 1792 et DS 3011). ↑ retourner en haut
  5. Église… pp. 255-256. ↑ retourner en haut
  6. Église… p. 256. ↑ retourner en haut
  7. Église… p. 267, note 23. ↑ retourner en haut
  8. Église… p. 267. ↑ retourner en haut
  9. Jean-Michel-Alfred Vacant, Etudes Théologiques sur les Constitutions du Concile du Vatican d’après les actes du Concile, Delhomme et Briguet, Paris – Lyon 1895. ↑ retourner en haut
  10. Vacant, Ibidem, Tome 2, ch. III, partie IV, art. 107, n° 662, p. 120. ↑ retourner en haut
  11. Vacant , Ibidem, Tome 2, n° 663, p. 122, note 3. ↑ retourner en haut
  12. Église… p. 262. ↑ retourner en haut
  13. Église… p. 262, note 12. ↑ retourner en haut
  14. Église… p. 278. ↑ retourner en haut

    bis R. P. Barbara, “Analyse critique des actes du IIème Congrès Théologique de la FSPX – janvier 1996”. (Cf. Rubrique “Livres reçus”, p. 81 de ce numéro). ↑ retourner en haut

  15. Église… p. 286. ↑ retourner en haut
  16. Dom A. Gréa, De l’Église et de sa divine constitution, Tome premier, l. II, 2ème partie, ch. IV, § 3, pp. 218-9, Maison de la Bonne Presse, Paris 1907. ↑ retourner en haut
  17. V. Zubizarreta O. C. D., Theologia dogmatico-scholastica ad mentem S. Thomæ Aquinatis, vol. I, Theologia Fundamentalis, Tratt. II, Q. XIX, a. III, § 3, nn° 458 et ss., Bilbao 1948, pp. 394-6. ↑ retourner en haut
  18. S. n° 8, p. 3, col. 3. Cf. aussi Église… p. 271. ↑ retourner en haut
  19. Cf. aussi: Salaverri, Sacræ Teologiæ Summa, Teologia Fundamentalis, T. III De Ecclesia Christi, L. 2, c. 2, a. 1, nn° 541-2, B.A.C., Madrid 1962, pp. 665-6. ↑ retourner en haut
  20. S. n° 8, p. 4, col. 2. ↑ retourner en haut
  21. S. n° 8, p. 6, note 20. J. B. Franzelin, De Divina Traditione et Scriptura, section I, ch. I, Thèse IX, point I, Roma 1896, p. 76. ↑ retourner en haut
  22. S. n° 8, p. 6, col. 1. ↑ retourner en haut
  23. S. n° 9, p. 2, col. 2. ↑ retourner en haut
  24. S. n° 9, p. 1, col. 1. ↑ retourner en haut
  25. Église… p. 278. ↑ retourner en haut
  26. Enc. Satis Cognitum, 29/6/1896, E. P. n° 605. ↑ retourner en haut
  27. S. n° 8, p. 4, col. 2. ↑ retourner en haut
  28. Pie XII, Mystici Corporis, DS 3802, in Sodalitium, n° 41, p. 34. ↑ retourner en haut
  29. Constitution Dei Filius, ch. 3 De Fide, 24/4/1870, DS 3011. ↑ retourner en haut
  30. Église… p. 259. ↑ retourner en haut
  31. Église… p. 260. ↑ retourner en haut
  32. Église… pp. 263 ss. ↑ retourner en haut
  33. Église… p. 259. ↑ retourner en haut
  34. Satis cognitum, E. P. n° 576. ↑ retourner en haut
  35. Pour l’explication des notes théologiques, voir plus haut, p. 35, p. 38 note 4 et Sodalitium, n° 40, pp. 46-47. ↑ retourner en haut
  36. Église… p. 267. S. n° 8, p. 6, col. 1; S. n° 9, p. 2 col. 2 et p. 5, note 40. ↑ retourner en haut
  37. Église… p. 262. ↑ retourner en haut
  38. Pie IX, Tuas libenter, 21/12/1863, à l’Archevêque de Münich, DS 2875-80, in Sodalitium n° 40, L’infaillibilité de l’Église, p. 48. ↑ retourner en haut
  39. Voir Sodalitium n° 40, p. 38. ↑ retourner en haut
  40. Mansi 52, 763 D9-764 C7. Texte rapporté par Abbé Bernard Lucien, L’infaillibilité du Magistère ordinaire et universel de l’Église, Documents de Catholicité, 1984, pp. 21-23. Ce texte a été publié in Sodalitium n° 40, pp. 47-48. ↑ retourner en haut
  41. Église… p. 269. ↑ retourner en haut
  42. Vehementer nos, E. P. n° 683. ↑ retourner en haut
  43. Salaverri, op. cit., n° 546, p. 667. ↑ retourner en haut
  44. Zubizarreta, op. cit., n° 461, p. 396. ↑ retourner en haut
  45. Mgr Zinelli, Mansi 51, 676A. In Lucien, op. cit., p. 31. ↑ retourner en haut
  46. P. L. M. De Blignieres, À propos de l’objet du Magistère Ordinaire et Universel, Supplément doctrinal à Sedes Sapientiæ, Société Saint Thomas d’Aquin, octobre 1985, pp. 9-10. ↑ retourner en haut
  47. Église… p. 267. ↑ retourner en haut
  48. Nouveau pour notre connaissance explicite, mais qui était contenu implicitement dans la Révélation, terminée avec la mort de l’Apôtre St Jean : cf. ce n° de Sodalitium, pp. 33-34. ↑ retourner en haut
  49. Vacant, Études théologiques… n° 625, p. 93. ↑ retourner en haut
  50. Pie XI, Mortalium animos, 6-1-1928. DS 3683. Le texte est rapporté in E. P. n° 871. ↑ retourner en haut
  51. Pie XI, Casti Connubi, 31/1/1930, E. P. nn° 904-5. ↑ retourner en haut
  52. Pie XII, Munificentissimus Deus, 1/11/1950, E. P. n° 1291. Cf. Sodalitium, n° 40, p. 48. ↑ retourner en haut
  53. R. P. Barbara , “Analyse…”, IVème critique, c. ↑ retourner en haut
  54. Église… p. 266. La citation complète se trouve dans S. n° 9, p. 2, col. 1; cf. aussi note 46. ↑ retourner en haut
  55. Église… p. 266. ↑ retourner en haut
  56. Louis Billot S. J., De Ecclesia Christi, Tomus prior, Roma 1927. Par exemple voir la Quæstio X, pp. 410-8.57 ↑ retourner en haut
  57. S. n° 9, p. 2, col. 2; cf. aussi p. 3, col. 2. ↑ retourner en haut
  58. Église… p. 281. ↑ retourner en haut
  59. Billot, op. cit., pp. 658-660. ↑ retourner en haut
  60. Église… p. 267, note 22. ↑ retourner en haut
  61. Église… p. 268, note 25. ↑ retourner en haut
  62. Église… p. 264. ↑ retourner en haut
  63. Église… p. 265. La même chose est affirmée par le R. P. Pierre-Marie : “L’autorité du Concile” in Église et Contre-Église… pp. 307 et ss. ↑ retourner en haut
  64. Église… p. 269, note 27. ↑ retourner en haut
  65. Église… p. 268. R. P. Pierre-Marie , op. cit., pp. 304 et ss. ↑ retourner en haut
  66. Église… p. 283. ↑ retourner en haut
  67. Sodalitium, n° 40, p. 51. ↑ retourner en haut
  68. Mansi 52, 26-27. Cité par B. Lucien, Le canon de St Vincent de Lérins, in Cahiers de Cassiciacum, n° 6, pp. 83-95. ↑ retourner en haut
  69. Église… p. 281. ↑ retourner en haut
  70. T. Zapelena, De Ecclesia Christi, pars altera, Gregoriana, Roma 1940, pp. 60 et ss. In Abbé B. Lucien, L’infaillibilité…, p. 68. ↑ retourner en haut
  71. Église… p. 276, note 39. ↑ retourner en haut
  72. S. n° 8, p. 3, col. 1. ↑ retourner en haut
  73. Intervention de Mgr Martin au nom de la Députation de la Foi durant le Concile Vatican, le 31/3/1870. Cité par B. Lucien, L’infaillibilité…, p. 17. ↑ retourner en haut
  74. Ce point est bien expliqué par le R. P. Noel Barbara, La Bergerie du Christ et le loup dans la Bergerie, éd. Forts dans la Foi, Tours 1995, pp. 177 ss. ↑ retourner en haut
  75. Mansi, 49, 673; 52, 1230. In Salaverri, op. cit., n° 647. ↑ retourner en haut
  76. Mgr Gaser, Relation à la 84ème congrégation générale, 11-7-1870, Mansi 1215. ↑ retourner en haut
  77. Pie XI, Mortalium animos, 6-1-1928, DS 3683, E. P. 871. ↑ retourner en haut
  78. Pie XII, Humani Generis, 12-8-1950, E. P. n° 1280. ↑ retourner en haut
  79. Pie XII, Commossi, 4-11-1950, E. P. n° 1295. ↑ retourner en haut
  80. R. P. Noel Barbara, op. cit., p. 158. ↑ retourner en haut
  81. Sodalitium n° 43, pp. 31-33. ↑ retourner en haut
  82. Église… p. 276, note 40. ↑ retourner en haut
  83. Église… p. 273, note 34. ↑ retourner en haut
  84. St Pie X, Catéchisme Romain, Petite Histoire de la Religion, éd. Itinéraires, reprint Dominique Martin Morin, 1978, p. 354. ↑ retourner en haut
  85. Église… p. 277, note 42. ↑ retourner en haut
  86. « St Ignace d’Antioche appelle les apôtres : “ceux qui sont autour de Pierre” Epist. ad Smyrn., n° 13. Cette expression signifie chez les Grecs la cour du souverain et la dépendance de son entourage » : note dans le texte de dom Gréa. ↑ retourner en haut
  87. Dom A. Gréa, op. cit, Tome premier, l. I, ch. VI, § 2, p. 82. Voir également l. II, ch. 2, § 3, p. 145-146. ↑ retourner en haut
  88. Église… p. 274. ↑ retourner en haut
  89. S. n° 8, p. 5, col. 3; p. 6, note 8. Cf. aussi Église… p. 261, note 10 et pp. 273-277. ↑ retourner en haut
  90. Église… p. 276. ↑ retourner en haut
  91. Église… p. 276. ↑ retourner en haut
  92. Église… p. 282, note 49. ↑ retourner en haut
  93. Église… p. 273, note 34. ↑ retourner en haut
  94. Leon XIII, In mezzo, 4-11-1884, E. P. n° 458. ↑ retourner en haut
  95. Conc. Vat., Const. Pastor Æternus, 18/7/1870, DS 3060. ↑ retourner en haut
  96. Église… p. 275. ↑ retourner en haut
  97. Église… p. 278, note 44. ↑ retourner en haut
  98. Gregoire XVI, Non sine gravi, à l’Evêque de Fribourg, 23/5/1846, E. P., n° 190. ↑ retourner en haut
  99. Église… p. 275. ↑ retourner en haut
  100. Serm. 131, 10, 10. ↑ retourner en haut
  101. Église… p. 279 et p. 276. ↑ retourner en haut
  102. Église… p. 280. ↑ retourner en haut
  103. Pie VI, Auctorem fidei, 28-8-1794, DS 2678. ↑ retourner en haut
  104. DS : 1198-1200, 1645, 1657, 1727-34, 1745-59, 3315-9. ↑ retourner en haut
  105. S. n° 8, p. 5, col. 2. Cf. aussi Église… pp. 264 et 279. ↑ retourner en haut
  106. Pastor Æternus, DS 3070 et 3071. ↑ retourner en haut
  107. E. P., nn° 571-2. ↑ retourner en haut
  108. Église… pp. 278-280. ↑ retourner en haut
  109. DTC, Dictionnaire de Théologie Catholique, article Honorius Ier, col. 125-6. Je rappelle que le DTC est loin d’avoir une orientation “romaine”. ↑ retourner en haut
  110. Église… p. 279, note 46 : Journet, L’Église du Verbe Incarné, t. I, p. 428, excursus 5. La référence exacte est: T. I, ch. IV, pp. 347-51 et ch. VII, pp. 428-33. Desclée, de Brouwer, Paris 1941. Je n’ai pas réussi à trouver le cas de Clément XIV. ↑ retourner en haut
  111. Église… p. 265, note 16. ↑ retourner en haut
  112. Église… p. 279, note 45. ↑ retourner en haut
  113. Église… pp. 281-282. ↑ retourner en haut
  114. DS : 2390, 2879, 2895, 2922, 3407, 3884. D 1880, supprimé in DS. ↑ retourner en haut
  115. Salaverri, op. cit., l. 2, c. 2, a. 3, nn° 682-3, pp. 712-3. ↑ retourner en haut
  116. Journet, op. cit., p. 431. ↑ retourner en haut
  117. Salaverri, op. cit., a. 2, nn° 727-9. Sodalitium, n° 40 p. 46. ↑ retourner en haut
  118. Journet, op. cit., p. 351, note 1. ↑ retourner en haut
  119. Église… pp. 279-280. ↑ retourner en haut
  120. Église… p. 280, note 47. ↑ retourner en haut
  121. Mgr Lefebvre et le Saint-Office, Itinéraires, mai 1979, n° 233, pp. 12-14 et 28-81. ↑ retourner en haut
  122. Abbé H. Belmont, Léon XIII et Saint Thomas d’Aquin, in bulletin Notre-Dame de la Sainte-Espérance, janvier 1994, n° 92, p. 7. ↑ retourner en haut
  123. Pie XI, Chirographe à Paulin-Pierre Andrieu, Archevêque de Bordeaux, 5/1/27; in Actes de S. S. Pie XI, Tome IV, Année 1927 et 1928, Bonne Presse, Paris 1932. ↑ retourner en haut
  124. Église… p. 280. ↑ retourner en haut
  125. S. n° 8, p. 4, col. 2. ↑ retourner en haut
  126. Église… p. 266. ↑ retourner en haut
  127. St Pie X, Jucunda sane, 12-3-1904, E. P. n° 667. ↑ retourner en haut
  128. Église… p. 275. ↑ retourner en haut
  129. Église… p. 265. ↑ retourner en haut
  130. Église… p. 272, note 32. ↑ retourner en haut
  131. Église… p. 278. ↑ retourner en haut
  132. Église… pp. 281-282. ↑ retourner en haut
  133. Église… p. 282, note 50. ↑ retourner en haut
  134. Église… p. 280, note 47. ↑ retourner en haut
  135. Église… pp. 266-267 et pp. 280-281. ↑ retourner en haut
  136. Leon XIII, Satis Cognitum, 29-6-1896, E. P. n° 544. ↑ retourner en haut
  137. R. Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre, Ed. du Cèdre, 1976, p. 243. ↑ retourner en haut
  138. Église… p. 273. ↑ retourner en haut
  139. Conc. Vat., Const. Pastor Æternus, 18/7/1870, DS 3060. ↑ retourner en haut
  140. S. n° 8, p. 5, col. 3. ↑ retourner en haut
  141. Église… p. 273, note 34 et p. 274, note 36. ↑ retourner en haut
  142. Église… p. 273, note 34 et p. 277, note 42. ↑ retourner en haut
  143. Église… p. 276, note 39. ↑ retourner en haut
  144. S. n° 8, p. 6, note 21: il fut l’initiateur de la nouvelle théologie sur le mariage. ↑ retourner en haut
  145. Église… p. 279, note 46. ↑ retourner en haut
  146. S. n° 9, p. 5, note 41. ↑ retourner en haut
  147. Église… p. 284. ↑ retourner en haut
  148. Il s’agit du discours d’ouverture du Congrès Théologique, tenu par l’abbé E. du Chalard de Taveau, Directeur de S., en hommage à Mgr Francesco Spadafora. Église… p. 11. ↑ retourner en haut
  149. S. n° 9, p. 4, col. 2 et 3. ↑ retourner en haut
  150. S. n° 9, p. 5, note 47. Cf. aussi Église… pp. 279 et 284 ↑ retourner en haut
  151. Église… pp. 279 et 284. ↑ retourner en haut
  152. Église… p. 284. ↑ retourner en haut
  153. DS 2281 et ss. ↑ retourner en haut
  154. Dom A. Gréa, op. cit. pp. 218-219. ↑ retourner en haut
  155. Église… p. 286. ↑ retourner en haut
  156. Église… p. 265. ↑ retourner en haut
  157. Église… p. 281. ↑ retourner en haut
  158. Église… p. 265, note 17. ↑ retourner en haut
  159. J. B. Franzelin, op. cit., sectio prima, c. II, T. XII, p. 97. ↑ retourner en haut
  160. Leon XIII, In mezzo, 4-11-1884, E. P. n° 458. ↑ retourner en haut
  161. St Pie X, Vi ringrazio, aux membres de l’Union Apostolique, 18/12/1912, E. P. 750-2. ↑ retourner en haut