Le Credo par saint Thomas d’Aquin (II)

Article 1 : JE CROIS EN UN SEUL DIEU, LE PÈRE TOUT-PUISSANT, CRÉATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE.


Dieu Créateur

13. – La première de toutes les vérités que doivent croire les fidèles est celle-ci : il existe un seul Dieu.

Or il convient d’examiner attentivement la signification de ce Dieu. Le sens de ce terme « Dieu » est sans aucun doute Celui qui pourvoit au bien de toutes cho­ses et les gouverne.

Croire que Dieu gouverne tous les êtres de ce monde et pourvoit à leur bien, c’est donc croire à l’existence de Dieu. Par contre, croire que tout arrive par hasard, c’est nier la réalité de l’existence divine. Cependant, personne n’est assez insensé pour ne pas croire que les êtres de la nature sont soumis à une providence, qu’ils sont gouvernés et ordonnés par elle, alors qu’ils se succèdent selon un certain ordre et selon le rythme des temps.

Nous voyons en effet le soleil, la lune, les étoi­les et les autres êtres de la nature conserver un cours déterminé ; ce qui n’arriverait pas, s’ils étaient l’effet du hasard.

Si donc il existait quelqu’un qui ne crût pas en l’existence de Dieu, ce serait un insensé. Le Psalmiste déclare en effet (Ps. 13, 1): Le fou dit en son cœur: « Il n’y a pas de Dieu ».

14. – Que Dieu gouverne et ordonne les réa­lités naturelles, certains le croient qui, en même temps, nient l’action de la Providence divine sur les actes humains ; ils sont persuadés que Dieu ne gouverne pas les actions des hommes parce qu’en ce monde ils voient les bons dans l’afflic­tion et les mauvais dans la prospérité. Pour eux, un tel état de choses est la preuve certaine de l’inexistence de l’action d’une providence s’exer­çant en faveur des hommes : c’est pourquoi, le Livre de Job (22, 14) : les fait s’exprimer ainsi Dieu se promène sur les chemins du ciel : il se désintéresse de nos affaires.

Ceux qui pensent ainsi sont extrêmement sots. On peut les comparer à un homme ignorant l’art de la médecine qui, voyant un médecin donner de l’eau à boire à un malade, et à un autre ma­lade du vin, conformément aux règles de la science médicale, croirait, dans son ignorance, que le médecin a agi au hasard et non pour un juste motif.

15. – De même, en effet, Dieu dispose les choses nécessaires aux hommes par sa Provi­dence pour de justes motifs : ainsi il afflige des bons et laisse des méchants jouir de la prospé­rité. Celui donc qui croit qu’un tel état de choses est l’effet du hasard est un insensé, et il est réputé tel, car cette erreur ne provient que de son ignorance de la sagesse et des raisons du gouvernement divin.

C’est à son propos qu’il est dit au Livre de Job (11, 6) : Plût à Dieu qu’il te révèle les se­crets de sa sagesse et la multiplicité de ses desseins.

Il faut donc croire fermement que Dieu gou­verne et dispose non seulement les réalités naturelles, mais également les actes humains. On lit à ce sujet dans le Psaume 93 (7-10): Les méchants disent : Dieu ne voit pas, le Dieu de Jacob ne fait pas attention. Comprenez donc, stupides entre tous, et vous insensés, quand aurez-vous l’intelligence ? Celui qui a planté l’oreille n’en­tendrait pas ? Celui qui a façonné l’œil ne ver­rait pas ?… Le Seigneur connaît les pensées des hommes.

Dieu donc voit toutes choses, aussi bien les pensées des hommes que leurs volontés secrètes. D’où notamment naît pour les hommes un de­voir de bien agir, puisque tout ce qu’ils pensent et accomplissent est exposé à ce regard divin. L’apôtre le dit bien (Hebr. 4, 13) : Tout est à nu et à découvert devant ses yeux.

16. – Or nous devons croire que ce Dieu qui gouverne et dispose toutes choses est un Dieu unique. En voici la preuve : le gouvernement des choses humaines est bien ordonné, lorsqu’un seul homme gouverne et régit la multitude. Sou­vent en effet, le grand nombre des chefs provo­que des dissensions parmi les subordonnés. Comme le gouvernement divin est supérieur au gouvernement humain, il est donc évident que le monde n’est pas régi par plusieurs dieux, mais par un seul.

17. – Il y a quatre raisons qui ont déterminé les hommes à croire à la pluralité des dieux.

La première est la faiblesse de leur intelli­gence. Il y eut en effet des hommes que la débi­lité de leur intelligence rendait incapables de s’élever au-dessus des êtres corporels ; ils crurent que rien n’existait au delà de la nature des corps sensibles : en conséquence ils admirent que les corps les plus beaux et les plus nobles l’emportaient sur le reste du monde et le gou­vernaient ; aussi leur consacrèrent-ils un culte divin. Au nombre des créatures, objet de leurs adorations, se trouvèrent les corps célestes, à savoir le soleil, la lune et les étoiles. Mais ces hommes insensés sont, à la vérité, semblables à quelqu’un qui se rendrait à la cour d’un roi, avec le désir de le voir, et qui s’imaginerait que le premier homme, bien habillé ou chargé d’une fonction, qu’il rencontrerait, serait le roi lui-même. Ces gens, dit la Sagesse (13, 2) : ont re­gardé le soleil, la lune, le cercle des étoiles, comme des dieux gouvernant l’univers. Mais Dieu leur déclare (Is 51, 6) : Levez les yeux vers le ciel, et regardez en bas vers la terre les cieux en effet se dissiperont comme une fumée, et la terre s’usera comme un vêtement, et ses habi­tant périront de même, mais mon salut sera éternel et ma justice n’aura pas de fin.

18. – En second lieu, les hommes multipliè­rent les dieux, en adulant leurs semblables. Certains en effet, voulant flatter des puissants et des rois, leur déférèrent les honneurs dus à Dieu seul ; ils leur obéirent, ils s’assujettirent à eux avec excès ; aussi en firent-ils des dieux après leur mort, ou les déclarèrent-ils dieux de leur vivant même. Ainsi nous lisons dans Judith (5, 29) : Tous les notables d’Holopherne disaient entre eux : que toutes les nations sachent que Nabuchodonosor est le Dieu de la terre et qu’en dehors de lui il n’y a pas de Dieu.

19. – L’affection charnelle pour les enfants et la parenté fut la troisième cause de multiplica­tion des dieux. L’amour excessif de quelques hommes pour les leurs, les poussa en effet à leur ériger des statues après leur mort et les amena ensuite à rendre à ces statues un culte divin. C’est d’eux qu’il est dit au Livre de la Sagesse (14, 21) : Les hommes imposèrent au bois et à la pierre le nom incommunicable, parce qu’ils cédè­rent trop à leur affection ou qu’ils honorèrent exagérément leurs rois.

20. – En quatrième lieu, les dieux se multi­plièrent par la malice du diable. Le démon en effet voulut, dès le commencement, s’égaler à Dieu. Je placerai, dit-il, mon siège vers l’Aquillon, j’escaladerai les cieux et je serai semblable au Très Haut (Is. 14, 13). Or cette volonté per­verse, Satan ne l’a jamais révoquée aussi, tous ses efforts tendent-ils à se faire adorer par les hommes et à les porter à lui offrir des sacrifices, non qu’il prenne ses délices dans un chien ou un chat qui lui seraient offerts, mais il se délecte dans les marques de respect qu’on lui témoigne, comme s’il était Dieu même ; c’est pourquoi il ose dire au Christ (Mt. 4, 9) : Tous les royaumes du monde avec leur gloire, je te les donnerai, si tu tombes à mes pieds et m’adores.

C’est également pour se faire vénérer comme des dieux que les démons entraient dans les idoles et donnaient par elles des réponses. Aussi est-il dit au Psaume 95 (v. 5) : Tous les dieux des nations sont des démons et l’Apôtre écrit aux Corinthiens (I Cor. 10, 20) : Ce que les païens sacrifient, ils le sacrifient aux démons et non à Dieu.

21. – C’est une chose horrible que l’homme adore d’autres dieux que le seul vrai Dieu. Cependant, nombreux sont ceux qui commettent fréquemment un si grand péché, pour l’un ou l’autre des quatre motifs que nous venons de donner. Certes, ni de bouche ni de cœur, ils ne professent croire en des dieux multiples, mais leurs actions démontrent le contraire.

Ceux en effet qui pensent que les corps céles­tes contraignent la volonté des hommes, et qui choisissent pour agir des temps déterminés, ceux-là regardent les corps célestes comme des dieux qui règnent sur les autres êtres.

Dieu nous met en garde contre un tel com­portement (Jér. 10, 2) : Ne soyez pas effrayés, déclare-t-il, par les Signes du ciel, comme les nations s’en effraient ; car les coutumes des nations ne sont que vanité.

De même, tous ceux qui se soumettent aux rois plus qu’à Dieu, ou qui leur obéissent même lorsque leurs commandements s’opposent à ceux de Dieu, ceux-là font des rois leurs dieux, alors que nous lisons dans les Actes (5, 29) : On doit obéir à Dieu plus qu’aux hommes.

Pareillement, ceux qui aiment leurs enfants ou leurs parents plus que Dieu, manifestent par leurs œuvres qu’ils croient en l’existence de plu­sieurs dieux. Il en est de même pour ceux qui préfèrent la nourriture à Dieu, c’est d’eux que l’Apôtre dit (Phil. 3, 19) : Leur Dieu, c’est leur ventre.

Ceux aussi qui se livrent à la sorcellerie et aux incantations s’imaginent que les démons sont des dieux, puisqu’ils demandent aux démons ce que Dieu seul peut donner, à savoir la révélation d’une chose cachée ou la connaissance de choses futures.

22. – Comme nous venons de le dire, en pre­mier lieu, nous devons croire qu’il existe un seul Dieu. Il nous faut croire, en second lieu, que ce Dieu est le Créateur, qui a fait le ciel et la terre, les choses visibles et invisibles.

Laissant de côté pour le moment les raison­nements trop subtils, montrons par un exemple simple la vérité de la proposition : Toutes cho­ses ont été créées et faites par Dieu.

Si quelqu’un, à son entrée dans une maison, y sentait de la chaleur, et, pénétrant ensuite plus avant, s’il y sentait une chaleur de plus en plus intense à mesure qu’il avance, il croirait évi­demment à l’existence d’un feu dans cette demeure, même s’il ne voyait pas ce feu, source de cette chaleur. Il en va de même pour celui qui considère les choses de ce monde. Il trouve en effet toutes ces choses disposées selon divers degrés de beauté et de noblesse, et il cons­tate que plus elles sont proches de Dieu, plus elles sont belles et bonnes. C’est pourquoi, les corps célestes sont plus beaux et plus nobles que les corps terrestres, les choses invisibles que les choses visibles. Aussi devons-nous croire que toutes ces réalités viennent du Dieu unique, qui donne à chaque chose son existence et son excel­lence.

Il est dit au Livre de la Sagesse (13, 1 et 5) : Oui, ils sont vains, tous les hommes qui mécon­naissent Dieu et qui, par les biens visibles, n’ont pas été capables de connaître celui qui est, ni, par la considération de ses œuvres, de connaître l’artisan divin ; car la grandeur et la beauté de la créature peuvent faire contempler et connaî­tre le Créateur.

Nous devons donc tenir pour certain que tout ce qui est dans le monde vient de Dieu.

Toutes cho­ses ont été créées et faites par Dieu.

23. – À ce sujet, nous devons éviter trois erreurs.

La première, est l’erreur des Manichéens ceux-ci disent : toutes les choses visibles ont été créées par le diable ; aussi attribuent-ils à Dieu seulement la création des choses invisibles. Voici la cause de leur erreur ils affirment conformément à la vérité : Dieu est le souverain Bien, et tout ce qui vient du Bien est bon ; mais dans leur incapacité de dis­cerner ce qu’est le mal et ce qu’est le bien, ils crurent que toutes les choses qui étaient mau­vaises d’une certaine manière, étaient mauvaises purement et simplement : ainsi, selon eux, le feu est entièrement mauvais, parce qu’il brûle ; l’eau aussi est entièrement mauvaise, parce qu’elle suffoque ; et il en est de même, à leurs yeux, des autres réalités visibles. Ainsi, parce qu’aucun des êtres sensibles n’est entièrement bon, mais que tous sont en partie mauvais et déficients, les Manichéens dirent : toutes les choses visibles ne furent pas faites par le Dieu bon, mais par le dieu mauvais.

Pour réfuter ces hérétiques, S. Augustin pro­pose l’exemple suivant : Si quelqu’un entrait dans la maison d’un artisan et y trouvait des outils contre lesquels ils se heurterait et qui le blesseraient, et s’il induisait de là que l’artisan est mauvais parce qu’il possède de tels outils, il serait un sot, puisque cet artisan ne les détient que pour accomplir son ouvrage. Ainsi c’est une absurdité de dire telles créatures sont mauvai­ses parce qu’elles sont nuisibles en quelque chose : ce qui en effet est nuisible à l’un est utile à l’autre.

Cette erreur des Manichéens est contraire à la foi de l’Église. Pour l’écarter, nous affirmons que Dieu a créé toutes les choses visibles et invi­sibles. On lit en effet dans la Genèse (1, 1) : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, et dans l’Évangile de S. Jean (1, 3) : Tout a été fait par le Verbe.

24. – À cette affirmation de l’Écriture sur la création du monde par Dieu s’oppose une deuxième erreur : à savoir l’erreur des hommes pour qui le monde est éternel. Voici ce que S. Pierre met sur les lèvres de ces gens (II, 3, 4) : Depuis que nos Pères sont morts, tout demeure comme depuis le commencement de la création. Ces hommes furent amenés à penser ainsi, parce qu’ils ne surent pas considérer l’origine de ce monde. C’est pourquoi, déclare Maimonide, ils ressemblent à un enfant qui dès sa naissance aurait été placé dans une île et n’aurait jamais vu ni une femme enceinte ni un enfant venir au monde : si on expliquait à cet enfant, une fois arrivé à l’âge adulte, comment l’homme est conçu et porté dans le sein, et comment il naît, il refuserait d’ajouter foi aux paroles de son interlocuteur, parce qu’il lui paraîtrait impossi­ble qu’un homme puisse être dans le sein de sa mère. De même, ces hommes, considérant l’état du monde présent, se refusent à croire qu’il ait eu un commencement.

Eux également se mettent en contradiction avec la foi de l’Église. Aussi pour repousser leur erreur, nous disons de Dieu qu’il est créateur du ciel et de la terre. Si le ciel et la terre ont été faits, il est évident qu’ils n’ont pas toujours été, c’est pourquoi il est dit des créatures dans le Psaume 148, 5 : Dieu commanda et elles furent créées.

25. – La troisième erreur concernant la créa­tion est celle des hommes qui déclarent : Dieu a créé le monde d’une matière préexistante. La cause de leur méprise, c’est qu’ils voulurent mesurer la puissance de Dieu d’après notre puis­sance à nous, hommes. Aussi, comme l’homme ne peut rien faire sans une matière préexistante, ils crurent qu’il en allait de même pour Dieu. C’est pourquoi ils affirmèrent : Dans la produc­tion des êtres, Dieu utilise une matière préexis­tante.

Mais cette assertion est fausse. Car si l’homme ne peut rien faire sans une matière préexistante, cela résulte du fait qu’il est cause partielle, qui ne peut que donner telle ou telle forme à une matière déterminée qui lui est fournie par un autre. Sa puissance, en effet, s’étend seulement à la forme : aussi ne peut-il être cause que d’elle seule. Quant à Dieu, lui, il est la cause uni­verselle de toute chose : il ne crée pas seulement la forme, il crée aussi la matière : il a tout fait de rien. C’est pourquoi, pour écarter l’erreur mentionnée plus haut, nous disons : il est le Créateur du ciel et de la terre.

Entre créer et faire, il y a en effet cette diffé­rence, que créer, c’est faire quelque chose de rien, mais faire, c’est fabriquer ou produire quel­que chose à partir d’une matière préexistante. Si donc Dieu a tout fait de rien, nous devons croire qu’il pourrait de nouveau tout créer, si tout était détruit ; c’est pourquoi il peut rendre la vue à un aveugle, ressusciter un mort et opérer d’au­tres œuvres miraculeuses. L’auteur du Livre de la Sagesse dit en effet au Seigneur (12, 18) : Car la puissance est avec vous quand vous le voulez.

26. – Cette doctrine a cinq conséquences pra­tiques. Premièrement l’homme est conduit à la connaissance de la Majesté divine. En effet l’arti­san est supérieur à ses ouvrages : donc, comme Dieu est le Créateur de toutes choses, il l’emporte sans conteste sur toutes ses créatures. Nous lisons en effet au Livre de la Sagesse (13, 3-4) : Si les hommes, charmés de la beauté des créa­tures, les ont prises pour des dieux, qu’ils sachent combien leur Maître l’emporte sur elles : car c’est l’Auteur même de la beauté qui les a faites ; et s’ils en admirèrent la puissance et les effets, qu’ils en déduisent combien plus puissant est celui qui les a formés. C’est pourquoi tout ce que nous pouvons comprendre et penser de Dieu est au-dessous de lui. Aussi lisons-nous au Livre de Job (36, 26) : Oui, Dieu est grand ; il dépasse notre Science.

27. – Deuxièmement : la considération de Dieu, créateur de toutes choses, porte l’homme à lui rendre grâces. Car si Dieu est créateur de toutes choses, sans aucun doute tout ce que nous sommes, et tout ce que nous possédons vient de Dieu. Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu ? disait en effet l’Apôtre aux Corinthiens (1, 4, 7) : et nous lisons au Psaume 23, 1 : Au Seigneur est la terre avec ce qui la remplit, le monde et tous ses habitants. Nous devons donc rendre des actions de grâces à Dieu et répéter après le Psalmiste (Ps. 115, 12) : Que rendrai-je au Seigneur pour tout ce qu’il m’a accordé ?

28. – En troisième lieu : si nous contemplons Dieu comme le Créateur de tous les êtres, nous sommes amenés à pratiquer la patience dans les adversités.

En effet, bien que toute créature vienne de Dieu et par le fait même soit bonne selon sa nature : toutefois si l’une d’entre elles nous nuit en quelque chose et nous inflige une peine, nous devons croire que cette peine vient de Dieu. Le péché ne vient cependant pas de lui, car Dieu ne peut être à l’origine que d’un mal qui soit ordonné au bien.

Si toute peine que l’homme endure vient de Dieu, il doit donc supporter ces maux avec patience. Les peines en effet nous purifient des péchés, elles humilient les coupables, provoquent les bons à aimer Dieu. Si nous avons reçu des biens de la main de Dieu, disait Job (2, 10) : pour­quoi n’accepterions-nous pas également des maux ?

29. – En quatrième lieu : contempler Dieu comme Créateur de tout, nous incite à user sagement des créatures. Nous devons en effet utili­ser les créatures pour les fins pour lesquelles Dieu les a faites. Or Dieu les a créées dans un double but : d’abord pour sa gloire, car, disent les Proverbes (16, 4) : Le Seigneur a fait toutes choses pour lui-même (c’est-à-dire pour sa gloire) ; et aussi en second lieu, pour notre uti­lité, comme le déclare Moïse (Deut. 4, 19) : Le Seigneur ton Dieu a fait ces créatures pour qu’elles soient au service de toutes les nations. Nous devons donc user de ces choses pour la gloire de Dieu, c’est-à-dire pour que, dans l’usage que nous en faisons, nous soyons agréables à Dieu et nous devons nous en servir également pour notre utilité en sorte qu’en les employant nous ne commettions pas de péché. Toutes cho­ses sont vôtres, disait le roi David au Seigneur (I. Par. 29, 14) : et nous vous donnons ce que nous avons reçu de votre main. Donc, tout ce que vous possédez, que ce soit la science ou la beauté, vous devez le rapporter à la gloire de Dieu et l’utiliser pour procurer sa gloire.

30. – La considération de Dieu, Créateur de tout, nous amène en cinquième lieu à la connais­sance de la dignité de l’homme.

Dieu en effet a créé toutes choses pour l’homme, comme il est dit au Psaume 8, 8 : Vous avez mis toutes choses sous ses pieds. Et l’homme, après les Anges, est parmi toutes les créatures celle qui ressemble le plus à Dieu. Le Seigneur en effet déclare dans la Genèse (1, 26) : Faisons l’homme à notre image et ressemblance. À la vérité, Dieu n’a prononcé cette parole, ni à propos du ciel, ni à propos des étoiles, mais bien au sujet de l’homme. Et cette même parole ne vise pas son corps mais son âme incorruptible et douée d’une volonté libre ; c’est par l’âme en effet que l’homme est plus semblable à Dieu que les autres créatures.

Nous devons donc considérer ceci l’homme, après les Anges, l’emporte en dignité sur les autres créatures ; aussi, il ne doit en aucune manière amoindrir sa dignité par le péché et l’appétit désordonné des choses corporelles ; ces choses, Dieu les a faites inférieures à nous et les a mises à notre service. Mais nous devons nous comporter dans nos actes conformément au des­sein que Dieu avait en vue en nous créant.

Dieu en effet a créé l’homme pour dominer sur tous les êtres qui sont sur la terre et pour se soumettre à Dieu.

Nous devons donc dominer et soumettre les créatures inférieures à nous et en même temps nous soumettre à Dieu, lui obéir et le servir et par là nous parviendrons à la jouissance de Dieu, ce qu’il daigne nous accorder dans sa miséricorde.