Note liturgique sur l’Una Cum…

(Extrait de Sodalitium n°35)

Mgr GuérardLa célébration du Sacrifice de la Sainte Messe constitue, certainement, l’acte le plus important du culte catholique. C’est pourquoi l’Église, qui est une mère aimante, a établi minutieusement les rites et les cérémonies qui doivent accompagner la liturgie du St Sacrifice. Dans le « Missale Romanum« , codifié par St Pie V, rien n’est laissé à l’improvisation ou à l’arbitraire du célébrant (comme dans la nouvelle messe …). Puisque dans les rubriques se manifeste clairement l’Esprit de l’Église, comment faut-il faire, de nos jours, dans la situation actuelle de vacance formelle de l’Autorité dans l’Église ? Faut-il ou non citer Jean-Paul II au canon de la Messe ?

Dans le « Ritus servandus in cœlebratione Missæ« , qui se trouve habituellement dans toutes les éditions du Missel Romain promulgué par St Pie V et réformé par St Pie X, on peut lire toutes les règles et les cérémonies à observer durant la célébration du St Sacrifice. Au chapitre VIII, « De canone Missæ usque ad Consecrationem » au n° 2, nous trouvons la réponse à notre question. Dans le « Ritus servandus …  » on lit : « Ubi dicit : una cum famulo tuo Papa nostro N., exprimit nomen Papæ : Sede autem vacante verba prædicta omittuntur » (1). On doit agir de la même manière avec le nom de l’évêque (qui, s’il est en communion avec Jean-Paul II, ne peut être cité) parce qu’il faudrait citer le nom de l’ordinaire du diocèse qui a reçu légitimement la juridiction du lieu dans lequel on célèbre (et pas un autre !) ; par conséquent même les paroles : « et Antistite nostro N. » doivent être omises.

Certains prêtres (en particulier dans la Fraternité St Pie X), dans la crise actuelle de l’Église, affirment qu’il faut prier « una cum » au Canon, parce que cela signifie uniquement « prier pour » le Pape. Cela est faux parce que la portée de la citation « una cum… » est bien plus vaste. Deux citations, la première du Pape Benoît XIV, la seconde d’un théologien, suffiront pour éclairer le sujet : « Nous pouvons affirmer que la mention du Pontife Romain pendant la Messe, et les prières offertes dans le sacrifice pour Lui, doivent être considérées comme étant un certain signe qui manifeste reconnaître ce pontife comme Chef de l’Église, Vicaire du Christ, et successeur du bienheureux Pierre, et l’on fait ainsi profession d’esprit et de volonté adhérant fermement à l’unité catholique » (2). « Tout d’abord le prêtre offre le sacrifice pour l’Église, donc pour le Pape en particulier, en accord avec un très ancien usage des églises, pour signifier l’unité de l’Église, et la communion des membres avec le chef » (3). Selon Benoit XIV et le Père Ferrari donc, citer Jean-Paul II au canon de la Messe ne signifie pas seulement « prier pour lui » (afin qu’il se convertisse, disent les lefebvristes … ce qui équivaut à affirmer que le « chef » de l’Église n’est pas catholique puisqu’il a besoin de se convertir. Et s’il n’est pas catholique, comment peut-il être le chef de l’Église ? … absit !), mais qu’il est vraiment Pape et que l’on est en communion en tout et pour tout avec lui.

En effet puisque Jean-Paul II, à cause de son intention habituelle de ne pas procurer le bien de l’Église, n’a pas l’Autorité et n’est pas formellement Pape mais l’est seulement matériellement (jusqu’à preuve du contraire !), il ne doit absolument pas être cité comme Pape légitime au Canon de la Messe. Mgr Guérard des Lauriers disait que citer Jean-Paul II au « Te Igitur » de la sainte Messe veut dire commettre objectivement et inéluctablement le double délit de sacrilège et de schisme capital, et ceci advient indépendamment de l’intention subjective du célébrant ou des assistants. Dire « una cum …  » au début du Canon, au moment où commence le moment le plus solennel du Sacrifice, équivaut à affirmer (au moins au sens théologique, si ce n’est au sens sémantique) que l’Église de Dieu, sainte et catholique est vraiment « una cum » [c’est-à-dire ne fait qu’une avec] avec le serviteur de Dieu qui est notre Pape, puisque là où est Pierre, là est l’Église (Ubi Petrus ibi Ecclesia). Dans notre cas Jean-Paul II, dans la mesure où il promulgue et professe habituellement l’hérésie ne peut ni ne veut être le Pape de l’Église Catholique, il ne peut donc être « un avec » l’Église de Jésus-Christ. L’affirmer est une erreur et une erreur grave qui concerne la Foi ; la Messe célébrée « una cum Joanne Paulo » est par conséquent objectivement entachée d’un sacrilège, qui déshonore Dieu, prive les âmes de la grâce et n’est pas agréé par le Seigneur.

En second lieu se dire « una cum » signifie aussi qu’on célèbre nécessairement en union et sous la dépendance et la médiation de cette personne que l’on affirme être « pape », même si réellement cette personne ne l’est pas, parce qu’elle se trouve dans un état de schisme dans l’Église à cause de son refus d’en être le vrai et légitime chef (schisme capital). Cette interprétation, propre à Mgr Guérard, est confirmée par le Père Cappello que nous citons ici : « Les prêtres schismatiques, bien qu’ils sacrifient validement in nomine Christi, n’offrent cependant pas le sacrifice, comme ministres de l’Église et in persona Ecclesiæ. Le prêtre en effet a pour consigne de la part de l’Église de prier en son nom, d’intercéder et d’offrir en son nom, et elle peut en priver le prêtre schismatique, afin qu’il ne sacrifie pas en son nom » (4). Donc le prêtre reçoit l’ordre de célébrer la Messe par l’Église à travers la médiation du Pape, et en se déclarant « una cum » ce Pape qui l’ »envoie », il s’en déclare en même temps le sujet, et si ce « pape » n’est pas le Pape légitime de l’Église, ce prêtre participe alors lui aussi au schisme de celui-là. (Cf. à ce propos l’interview de Mgr Guérard des Lauriers in « Sodalitium » n° 13 pp. 23-25).

Pour ces deux raisons les fidèles, qui veulent confesser intégralement la Foi, ne doivent pas assister aux messes dans lesquelles le célébrant cite Jean-Paul II au « Te igitur » du Canon.

Après avoir exposé la question de principe, du point de vue théologique, voyons ce qu’il faut faire du point de vue liturgique. Le prêtre célébrant, devra omettre ces mots qui concernent le Pape et l’évêque diocésain, comme le spécifie le « Ritus servandus …  » cité plus haut, et il devra seulement dire : « … in primis, quæ tibi offerimus pro Ecclesia tua sancta catholica : quam pacificare, custodire, adunare et regere digneris toto orbe terrarum: et omnibus orthodoxis, atque catholicæ et apostolicæ fidei cultoribus. » (Canon Missæ, Te igitur).

Cette interprétation des rubriques du Missel est confirmée par le consensus pratiquement unanime des liturgistes et des rubricaires, parmi lesquels Martinucci, appelé le prince des liturgistes (cf. PIO MARTINUCCI, Manuale sacrarum cœremoniarum, vol. I, lib. I ch. XVIII n° 79), O’ Connell (The celebration of Mass, The Bruce Publishing Company, vol II p. 87) Sterky, De Carpo et le Père Le Brun (P. LE BRUN, R.P. Explication littérale, historique et dogmatique des prières et des cérémonies de la Messe, Paris 1726).

Notre confrère américain, M. l’Abbé Cekada, venu chez nous à Verrua pour la réunion sacerdotale en octobre dernier nous faisait justement remarquer combien est er­ronée la locution : « una cum … omnibus or­thodoxis… » employée par de nombreux prêtres puisque contraire aux rubriques mêmes du Missel qui prévoient justement l’omission de toute la phrase, pour le cas où le Siège Apostolique et le siège épiscopal sont vacants.

Puissent ces quelques lignes éclairer les fi­dèles et les confrères dans le sacerdoce qui ne se sont pas encore posés le problème de l’ »una cum », et confirmer aussi dans la foi les autres qui depuis des années combattent le bon combat pour l’Église. Que Dieu nous ac­corde à tous, grâce aux mérites infinis du Sa­crifice de l’oblatio munda de Son Fils Jésus, de pouvoir célébrer un jour ce même Saint sacri­fice « en union » (una cum) avec un successeur légitime de St Pierre et Vicaire du Christ.


Notes

1) « Là où l’on dit : … avec notre Pape N. votre servi­teur, on dit le nom du Pape : à l’inverse, quand le siège est vacant on omet ces mots ».

2) Pape Benoit XIV, De Sacrosanto Missæ Sacrifi­cio, appendix XVI ad lib. II,§ 12. Cité toujours par « Sa­cerdotium » n° VI pars hiemalis 1993, p. 42.

3) F. LUCIUS FERRARI O.F.M., Bibliotheca Canonica etc. (Romæ : ex Typographia polyglotta, 1866) II p. 50. Cité par la revue américaine « Sacerdotium » n° VI pars hiemalis 1993, pp. 46-47.

4) CAPPELLO FELIX M. S.J., Tractatus Canonico-moralis de Sacramentis, Marietti Torino 1962, I p. 462. Cité toujours par « Sacerdotium » n° VI pars hiemalis 1993, p. 65.